_(activité terminée)
"C'est pas parce qu'on est pauvre qu'on doit se taper de la camelote" John Ford
la chaleureuse équipe de ciné sans nom
« La beauté est le commencement de la terreur » Rilke
Dimanche 26 février, 18h
Le siège, 2016, 1h30
de Rémy Ourdan et Patrick Chauvel
Dimanche 26 février, 18h
Le siège, 2016, 1h30
de Rémy Ourdan et Patrick Chauvel
« En
fait, c’est difficile d’effacer les gens. »
Sarajevo
devait disparaître. Un
milicien serbe avait significativement taggé « Ici
c’est la serbie ! » sur les
murs de la
poste centrale. Mais les sarajéviens, eux,
n’avaient pas de prétention nationaliste, ils ne croyaient même
pas que la
guerre allait
arriver
jusqu’à eux… jusqu’à
ce qu’en 1992, le parlement de Bosnie brûle. Commence alors le
long siège de la ville où serbes, croates et musulmans vivaient en
paix. « Rendez les fous » aurait ordonné Mladic à ses
troupes.
Le
journaliste Rémy Ourdan avait 23 ans en 1992. Il
a vécu et couvert le calvaire
de la ville
aux cotés de ses amis sarajéviens. Vingt ans plus tard, il retourne
les interviewer et rend hommage
à leur résistance.
« Autant
l’activité culturelle et artistique était sous des bombardements
incessants, autant elle a contribué, certains le disent dans le
film, à ce qu’ils ne deviennent pas complètement fous. Ça a
existé et je voulais que ça soit dans le film parce que je n’avais
jamais vu ça avec autant d’intensité. »
Mêlant
images d’archives et témoignages, Le
Siège
raconte la
guerre mais surtout la dignité de ses habitants, l’importance de
la musique, et
finalement l’exemplarité de Sarajevo.
Dimanche 29/01/2017
aller vers le soleil
Yessim Ustaoglu, 1998, 1h45
turquie
vostfr
À Istanbul, où il travaille comme sondeur de canalisations, Mehmet
rencontre Berzan, un jeune Kurde qui vend des cassettes sur le marché ;
ils deviennent amis. Mais un jour, dans le bus, Mehmet se fait arrêter
par la police en possession d’une arme qui ne lui appartient pas,
laissée par un autre voyageur. Ayant la peau très brune, il est pris
pour un Kurde.

Yecin Ustaoglu est l'une des cinéastes les plus concernées par la question d'une identité turque et des contestations qui en définiraient un contour. Les questions morales et les choix difficiles que cette identité-floue, que ce soit pour les minorités, la bourgeoisie, les paysans...revêt, engage ses films vers la démonstration. La réponse du pouvoir est souvent cruelle. Plus sereinement, ses personnages s'avancent vers une forme de résistance souvent silencieuse. La vieille Ayshe qui refuse de ne plus parler grecque, dans En attendant les nuages, préférant vivre recluse, est peut être le même personnage que jouera plus tard Tsilla Chelton (oui, la grand-mère du film Tatie Daniele) par la bouche de son alzheimer dans la boîte de pandore. Dans ARAF aussi il y a le fruit d'un amour défendu, arraché violemment du corps d'une adolescente par ses propres moyens. Chacunes à leur manière, mine de rien, ces personnages cherchent à resister à un destin terrible ou à l'accomplir celons leur souhait. Rien n'est gratuit chez Ustraoglu leur lutte même dérisoire, les menera sur un chemin, jamais en vain. Il n'y aura pas de fatalisme ni d'infini tristesse comme chez Angelopoulos, le cinéaste qui fascine thématiquement Ustraglu. Comme beaucoup de cinéaste turc, Istanbul est le point de repère et la lumière, celle des premiers films. Premier témoin de l'hypnose nationaliste et de ses résistances. Petit à petit toute la ville s'estompe dans chaque film pour laisser la place à un espace beaucoup plus défini humainement. De la même génération que Demirkubuz, Nuri Bilge Ceylan, Semih Kapanoğlu, ou Reha Erdem, elle se rapproche beaucoup de Demirkubuz, par son goût de mettre dans ses films une certaine âpreté et un romantisme parfois surnaturel qui donne une vraie profondeur à la poésie si particulière de son cinéma.

Dans Aller vers le soleil, l’itinéraire des personnages prend le pouls de la vie tumultueuse
d’Istanbul d’une manière physique et presque documentaire, avant de
conduire le spectateur vers une région désertique et insaisissable,
hantée par la présence des militaires. Un grand film, l'un des premiers à parler directement de la question kurde et à en prendre le parti.
DImanche 25/12/2017
Babe 2 un cochon dans la ville

George Miller
Babe vient de revenir dans sa ferme avec son trophée de meilleur berger. Maladroit il blesse gravement son maître Mr Howgett alors en train d'installer une pompe au fond du puit de la ferme. Les finances bien mal en point de la ferme obligent Mme Hoggett à emmener Babe dans la grande ville pour toucher le chèque de concours national de garde de troupeau. Mme Hogett et son cochon ont bien du mal à trouver un hôtel qui les accepterait. Une seule place, un mystérieux hôtel gothique s'y engage, mais à mesure que le destin happe les rares humains présents vers l'extérieur, celui des animaux se réalisent particulièrement celui de Babe bien décidé à sauver la ferme de la faillite.
Babe 2 est vraiment d'une folie poétique et d'un souffle épique
impressionnant. Le film monte comme une sorte d'apothéose farfelue,
faisant se succéder des morceaux de bravoure qui rendrait Terry Gilliam
fou. Le talent de Miller et de dépasser le cadre de son film et de supplanter de trés trés loin la majeure partie des films pour enfant. Il
ne faut pas écouter ceux qui disent que le film est trop sombre, il est
simplement intelligent. Le réalisateur retrouve la grâce baroque de
grands noms du cinéma, et c'est réellement une surprise qui impressionne.
Cet aspect est déroutant tant par la forme du récit (un voyage
initiatique d'une inventivité fabulaire) que par la volonté du metteur
en scène de métamorphoser son décorum en un théâtre d'ombres. A l'aspect
furieusement sépulcrale des premiers chapitre, répondent la folie
jouissive, le splastick étonnant des derniers. George Miller parvient à
se réinventer dans ce film et à donner à la marche infernale de son
récit, l’aspect d'un vrai film d'auteur. Ce faisant, les univers de ces précédents films s'éclairent et Babe 2 apparaît comme son film le plus
aboutit, et peut être le plus personnel, entre antispécisme et réflexion sur la condition humaine. On pense vraiment à
Orson Wells avec ces scènes dans un hotel "ambersonnien", voir à
un Fellini pastiché dans la scène finale
du film. Miller donne libre court à un fantasme d'enfant, crée un
univers purement visuel, et où les
lanternes seraient des vessies et les rêves d'animaux de purs cauchemars. C'est un chef d’œuvre du film pour
enfant, à classer avec les 5000 doigts du docteurs T.
Dimanche 04/11/2017
GOLDEN EIGHTIES / CHANTAL ACKERMAN
genre: La grande Chantal à sa mère
Dans une galerie marchande souterraine, un salon de coiffure pour dame, et un magasin de vêtements chics se font faces. Après tout rien dans leurs activités respectives ne pourraient les relier, et pourtant l'amour et les petites affaires de chacuns, chacunes, apportent au morne quotidien austère des vendeurs de vétements la fraîcheur primesautière des coiffeuses. Dans ces espaces pastels l'amour et les peines travaillent à fond les cœurs, offertoires à de grandes tragèdies, la secrète chantée à les couleurs d'un broadway mélancolique, et le goût prononcé de Ackerman pour la théatralité yiddish renvoie aussi à la 42éme rue. That's all Folks !!
Dimanche 30 Octobre 2016 à 18h00
WHITE SHADOW
goûter vegan (heureusement)
NOAZ DESHE /TANZANIE, ALLEMAGNE, UK 117 MIN 2013
vostfr, sous titres réalisés par l'équipe de CSN.
Si les albinos de Tanzanie ont le soleil
pour ennemi, ils ont surtout des assassins, qu’ils soient sorciers,
dealers, bouchers ou clients. Depuis 2007, des faits divers en cascade
nous renseignent sur une réalité effroyable. En lisant la presse, dans
quelques reportages et sur Internet, des « informations » décrivent
l’horreur des actes perpétrés, le plus souvent contre des enfants, à
l’encontre de cette minorité atteinte d’albinisme. Une approche rarement réussie, au mieux factuelle, souvent courte, au pire sensationnaliste ou macabre et/ou ethno centrée.
White Shadow comble un gouffre
pour les amoureux du cinéma qui n’ont pas peur de se vivre multiples, de
ressentir autrement, de découvrir un ailleurs même cruel. Bref, si
l’inhumanité et la barbarie sont la chose la mieux partagée de l’espèce,
et sont bien là dans ce film, leurs contraires aussi…
Surprenant dans sa forme, White Shadow
renvoie parfois à la splendeur primitive d’un Nicolas Roeg. Comme une
échappée, une respiration, le rêve vient recouvrir d’un voile l’horreur
du réel. Plus qu’un film, une expérience hypnotique et éprouvante. White Shadow est une odyssée de survie, magique et terrifiante.
White Shadow est le premier
long-métrage de fiction de Noaz Deshe, né à Jaffa, vivant à Berlin, « a
world citizen » comme il se définit lui-même. White Shadow est
déjà estimé par la profession grâce à plusieurs festivals. Et il a reçu
le Lion du Futur, meilleur premier long-métrage de fiction, à la Mostra
de Venise en 2013. Noaz Deshe est un artiste complet, « touche à tout »,
plutôt dans l’ombre et là où son énergie le porte. Passé par le
théâtre, la danse, le court-métrage, la musique, il est aussi co-auteur
du scénario et co-compositeur (ce que c’est moche !) de la B.O. de son
film avec James Masson.
Si les albinos de Tanzanie ont le soleil
pour ennemi, ils ont surtout des assassins, qu’ils soient sorciers,
dealers, bouchers ou clients. Depuis 2007, des faits divers en cascade
nous renseignent sur une réalité effroyable. En lisant la presse, dans
quelques reportages et sur Internet, des « informations » décrivent
l’horreur des actes perpétrés, le plus souvent contre des enfants, à
l’encontre de cette minorité atteinte d’albinisme. Une approche rarement réussie, au mieux factuelle, souvent courte, au pire sensationnaliste ou macabre et/ou ethno centrée.
White Shadow comble un gouffre
pour les amoureux du cinéma qui n’ont pas peur de se vivre multiples, de
ressentir autrement, de découvrir un ailleurs même cruel. Bref, si
l’inhumanité et la barbarie sont la chose la mieux partagée de l’espèce,
et sont bien là dans ce film, leurs contraires aussi…
L’histoire d’Alias (Hamisi Bazili,
sidérant) est tenue et ténue de bout en bout. Sa réalité est dure. A
quinze ans, caché, il voit son père lui – aussi albinos – se faire
sauvagement assassiner devant sa mère. Elle le confie à son propre frère
Cosmos pour qu’il l’emmène en ville (à Dar El Salam sans doute) ;
contre de l’argent, il doit le placer dans un centre où il sera protégé…
La « face » réaliste du film n’est ni
manichéenne, ni pathétique, elle emprunte au réel. Le film évite toute
vision misérabiliste sur le monde qui entoure Alias ; sa mère (Riziki
Ally, un rôle court mais intense. son monologue d’au revoir), Kosmos
(James Gayo, époustouflant de complexité), Antoinette (Glory Mbayuwayu,
unique, choisie parmi quatre cents adolescentes !), Salum (Salum
Abdallah, les anges sont parmi nous, pas au ciel)… White Shadow
est libre de tout jugement, de culpabilité, d’ethnocentrisme. Mais il
montre un monde où il n’y a que deux camps ; deux couleurs, les albinos
n’ayant ni l’une, ni l’autre…
Vivre dans White Shadow, c’est
courir et nager plus vite que les adultes. C’est se recouvrir de boue
pour échapper à des tueurs. C’est voir un enfant chanter et jouer, avant
qu’on ne le dépèce vivant pour lui voler un membre ou un organe. On se
purifie avec du sang humain, avec le feu. Des prédicateurs, des pasteurs
judéo chrétiens dévoyés, et d’autres ex sorciers, appellent à la
vengeance : c’est œil pour œil, dent pour dent. Certains ne savent même
plus s’ils sont musulmans, chrétiens… Le chaos devient leur croyance.
critique de C Seguin et O Rossignot du site Culture au Poingt
Les Montagnes bleues 1983 85 min
Réalisation : Eldar CHENGUELAIA (Эльдар ШЕНГЕЛАЯ)
Scénario :
Rezo TCHEICHVILI (Резо ЧЕЙШВИЛИ)
D'après un récit de R. Tcheïchvili.
dimanche 25 Septembre à 18h00
genre: film catastrophe à caractère satirique

Un jeune romancier hante la maison d’édition dans laquelle il espère faire publier son roman Les montagnes bleues. Plein d’une juvénile ardeur, il distribue son manuscrit à tout le personnel du comité de lecture : il reçoit un accueil favorable, tous s’empruntent le manuscrit, dont le nombre d’exemplaires est insuffisant, pour le lire le soir même. Mais constamment entravés dans leur « méditation littéraire » par les multiples problèmes matériels qui retardent leur travail, les employés ne lisent rien et recréent dans leurs bureaux un univers rassurant où leurs petites occupations personnelles envahissent le temps du travail.
En 2014 le festival de la Rochelle rendait un hommage au jeune cinéma géorgien, il y avait cette manière de parler d'amour où il y a tant à dire et si peu de moyens pour parvenir à exprimer quelque chose de satisfaisant. Dans Blind Dates de Levan Koguachvili les réseaux du web, viennent recoder le quotidien le plus simple et le plus nu des vivants de Kitaisi, sans altèrer une forme de tradition pessimiste. Dans Brides de Tinatin Kachrivili, les épouses de détenus, attendent que leur mari sortent de prison en s'évadant sur des réseaux sociaux. Rappelle que la Géorgie est l'un des pays qui connait le plus fort taux d'incarcération au monde Le terrible Ligne de Crédit de Salomé Alexi décrit lui le recours au crédit pour une vieille concierge d'immeuble contrainte à cet emprunt pour garder son niveau de vie d'avant 91. Les films géorgiens observent souvent le renouveau libérale et pseudo-démocratique de leur pays, où les gens semblent avoir garder jeunes et vieux un goût pour la fatalité éternelle. Depuis la Révolution des roses de 2003, le gouvernement Saakachvili marche à pas forcée vers un multipartisme dirigiste, aux faibles teintes, voulant à tout prix échapper aux vases d'expansion poutiniens. Et les traces de ce projet politique sont ceux qui marquent la ligne de conduite des film les plus remarquables du présent géorgiens. Attente et troubles psychiques, modernité trop complexe contre passé trop simple...
Très peu des films présentés à la Rochelle ont eu l'honneur d'une sortie nationale, a l'écho de l'expectative latente et chérie par ces cinéastes du petit peuple, on retrouve dans certains des films soviètiques de la géorgie en quête d'une reconnaissance mondiale, les belles lignes d'un quotidien fait de torpeurs et d'absurdités. Les grands noms affleurent, Osseliani, Tenguiz Abouladzé, Mikhaïl Kobakhidzé, et l'armènien Pardjanov (né à Tbilissi). Moins reconnu voici l'occasion de voir l'oeuvre de l'un des frères Chenguélèïa, Eldar. Osseliani dépasse la censure de son pays et déboule en 1974 à Cannes (plutôt discrètement, Il était une fois un merle chanteur), Chenguèléïa fait un modeste tour du monde officiel des festivals soviétiques avec ces "Montagnes Bleueus" comédie élègante, très tchekovienne, donc peu explicite. C'est ici l'exemple d'un film bon enfant, mais pour un peu qu'on s'y trouve bien, les pieds dans l'eau de l'ironie la plus fine, on pourra y déceler autant d'amertume que de nostalgie heureuse. Chenguéléia avec beaucoup de dérision fait le portrait d'un système très narcissique, qui renvoie les individus à leurs propres obsessions et les écrase au propre comme au figuré.
Les Montagnes Bleues ressemble un peu à La Croisière du génial Marek Piwowski, l'érudition et les fantasmes cultivés du petit peuple se retournent contre eux, c'est moins pour les moquer que pour finir le procès de la politique culturelle soviétique, qui se targue d'élever ses "grands enfants" en héros de l'illusion collectiviste. Ce regard témoin, pour nous sociaux libéraux patentés, nous confond tout autant dans la médiocrité de notre temps de consommation culturelle. C'est peut être de ça que le film parle, les prémisses d'un gouffre, que nous n'en finissons plus de remplir en gloutons. Nos existences vides peuvent-elles se contenter de se goinfrer, de se remplir des signes culturels, sans les détruire, leur faisant perdre tout pouvoir ? Les Montagnes Bleues apporte son lot de curieuses réponses à ce genre ci. Un film bien modeste peut souvent en cacher un autre.
LAV DIAZ
Death in the Land of Encantos. 9h02
Lav Diaz est un drôle de bonhomme. Homme à tout faire de la télévision privée manillaise, serveur et pompiste à new york où il finance des études incertaines et ses films expérimentaux, il se passionne pour Bazin, Dostoïevski et... Bélà Tarr. La durée exponentielle de ses films (douze heures pour Histoire d'une famille phillipine, huit pour Mélancholia ou quatre pour le court métrage Norte: End of History), les moyen de production quasi inexistants (merci les amis), et un goût pour la contemplation "active" et les questionnements politiques qui font mal à la tête, peuvent donner le tournis ou interroger. Même si on ne les voit jamais, nos amis anti capitalistes "très engagés" pourraient profiter de l'occasion pour découvrir la douceur idéaliste des films de Lav Diaz. L'un des rares cinéastes à parler de son cinéma comme d'une arme politique, mais pas du tout à la manière des tenants du titre. Chez Lav Diaz tout est faussement naïf, emprunt d'une douce poisse, les codes classiques d'une intrigue romanesque sont bien en places, si étirés qu'ils n'ont plus de saveurs dramatiques. Pour en saisir le sens, il faut venir, très physiquement, habiter les films, et seul ce temps prolongé, ce temps plongeant peut nous y mener. Derrière la tranquille fascination pour la lenteur, se dessine une idée de la dépression, du suicide, de la fin et de son évitement, des morts qui ne peuvent plus être filmés. L'intrigue fictionnelle rappelle à l'éthique du créateur, comme le dit Canijo "plus on veut aller au réel plus on fait faux", Diaz joue des codes du mélo, ou de certains poncifs dans les dialogues entre les personnages. Il reste ainsi entre le ciel et l'enfer, entre l'idée fictive d'un triangle d'amis, porteur d'espoir, des possibilités de la fiction et cet aspect documentaire fatalement réaliste. Entre ces deux pôles se jouent une idée, celle de l'Exil du cinéaste, du personnage de la fiction conjointement arraché du sol et rejeté sur lui. Celui des personnages fictifs ou non, reliés par leur forces d'oubli et la présence de leurs morts. Celui d'un paysage, célébré dans le précédent opus du cinéaste et ravagé dans celui-ci.
Lav Diaz dont nous cherchions depuis trois ans la trace en Europe, explose dans les entrebâillements de portes obscures, au grés de festivals (Rotterdam, Locarno, Trois Continents...), d'années en années, accumulant les projets invisibles et casse gueules (Florentina Hubaldo, From what is Before, A Lullaby For the Sorrowful Mystery, Century of Birthing...tous de six heures pas moins). On attendait comme des cons la sortie d'un DVD, on avait même contacté sa société de production à Manille (200 euros le blu ray), mais comme on n'est jamais mieux servi que par soi même, c'est donc maintenant, à l'heure de deux rétrospectives parisiennes, que nous vous livrons le film qui a révélé Diaz au monde entier, le Death in the Land Of Encantos, titre parfait qui introduit la mort au coeur paradis.
Après la Tempête:
"On ne sait si ils prient pour éloigner les fantômes ou par amour pour eux"
Benjamin jeune poète de la région du Bicol, revient de Russie et d'Europe, pour revoir ses amis/proches survivants du typhon Reming. "Des villages entiers avaient disparu, des centaines de personnes
avaient été ensevelies vivantes, des centaines d’autres étaient portées
disparues. Pompéi. Pire que l’éruption du volcan Mayon de 1814. Je
n’avais qu’à viser et déclencher, tout faisait partie de la tragédie,
elle était partout. Je tournais en silence, en essayant de donner sens à
ce désastre" témoignage de Lav Diaz, regard de Benjamin, douleurs. Ce dernier retrouve ses amis d’enfance, les artistes Catalina et Teodoro, mais également les fantômes du passé…
"Ajouter la fiction est devenu impératif, car je voulais un discours
plus ample ; l’énigme du majestueux et imposant volcan Mayon, un des
acteurs principaux de DEATH IN THE LAND OF ENCANTOS, est une métaphore
parfaite de la beauté, de la nostalgie, de l’amour du pays, de la
corruption, du pouvoir, de l’humilité, de la mort, de la destruction, de
la rédemption, de la vérité, de la thèse de la douleur et de la
souffrance comme vérités majeures de l’existence. La décision d’inclure
de la fiction est une décision esthétique. Très personnelle, aussi. Je
pense qu’un « simple » documentaire serait très fort, mais ma peur de le
faire remonte au film sur les enfants des rues, et à l’inachevé NIGHT
OF ALICE. Je me suis vu comme un intrus, un envahisseur, un opportuniste
spéculant sur les malheurs des autres. Je ne voulais pas revivre cette
culpabilité. Je voulais aussi expérimenter une certaine forme, et mieux
contrôler la direction de son contenu. Donner de l’équilibre. La fiction
vous place à de nombreux niveaux : observateur, critique, philosophe,
créateur empathique, participant, poète souffrant, homme qui perd tout.
Vous créez des personnages et leurs histoires. La fiction a en quelque
sorte changé l’axe de ma caméra. Tourner les parties documentaires était
comme travailler dans une zone de combats. C’était la réalité. Ni « si
», ni « mais ». On pouvait sélectionner les plans, les personnes avec
qui parler, mais c’était la réalité. On voyait des choses mais sans
savoir ce qui allait frapper. L’expérience de l’immersion, ou la douleur
de l’immersion, est caractérisée par l’inconnu. L’incontrôlable.
Parfois, c’était si immédiat que cela échappait à notre contrôle. Nous
nous mettions à pleurer. Avec la fiction, il y a du contrôle. On écrit
un synopsis, des dialogues, on parle avec les acteurs, on répète, on
choisit les axes. On prépare. Mais pendant les prises, quand les acteurs
sont eux-mêmes en immersion, une autre dynamique s’installe. Et de la
même manière, nous nous mettions parfois à pleurer quand une scène nous
frappait. Avec la fiction, on détruit tous les coussins protecteurs de
l’homme à la caméra irresponsable qui enregistre, tourne les talons,
rentre chez lui, monte les scoops et attend la catastrophe suivante, et
pour qui l’enregistrement du malheur est un simple job."
Note anticapitaliste
il l'a dit!
"Je
ne suis pas contre le piratage de mes films, c'est un moyen de
diffusion essentielle qui respecte aussi mes ambitions premières, faire
de mon cinéma une porte tout le temps ouverte, que chacun peut passer
avec attention ou sans un regard"Dimanche 29 Mai 2016, 18h00
Gett, le procès de Viviane Amsalem, Ronit Elkabetz, 2014
Ronit
Elkabetz nous a quitté le 19 avril 2016. L'actrice et réalisatrice
israélienne continue d'impressionner les spectateurs hallucinés.
Elle porte avec elle toute une tradition théâtrale, un jeu qui
tient du travail acharné, une manière de trouver le ton le plus
juste. Chaque regard comme une pierre. Entre elle et nous qui
regardons, surgit un monde que nous voulons bien nous figurer, une
parcelle fantasmée de la femme juive, celle du livre d'Esther,
incarnation de l'éclatante beauté de la lune Ishtar.
Le triptyque réalisé en collaboration avec son frère Shlomi Elkabetz raconte l'aboutissement d'un divorce en Israël alors que la tradition le rend exceptionnel et grave, et fait reporter le défaut de la preuve sur l'épouse. Chacun des trois film aurait son ambiance, Pialat et Cassavetes pour Prendre Femme, Bergman ou Losey pour Les Trois Jours, Dreyer et Bresson pour Gett.
Des références aveugles, imaginées et fantasmées permettent de les unir dans une progression brechtienne. Au-delà du récit du divorce, il s'agit de plus en plus d'épouser les volontés et les tourments d'un amour absolument irraisonné. Histoire d'amour tristement passionnel, de la même passion destructrice et maladive que la Loi a sanctifié. Si la Loi se contredirait à reconnaître la rupture, la réponse légale, terne et éreintante, vient surtout éclairer les rapports de pouvoir et les douleurs nées de la destruction de tout un univers mental. La grande force des films des sœur et frère Elkabetz tient à ce qui, derrière la dignité des personnages, leur soif de vivre, se révèle de leur volonté de détruire/refonder l'irréparable.
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Dimanche 01 Mai 2016
18h00
LIMITE
de Mario Peixoto, 1931
On a tout de suite après la situation : trois naufragés, deux femmes et un homme, dans une barque. Une femme est brune, et au début est évanouie ; l’autre est blonde. Les trois personnages se racontent un passage de leur vie et ce sont les trois histoires.
L’histoire de la femme blonde est la première et la plus courte Elle est dans une prison. Le
gardien entre. Remarquons que dans le film, chaque fois que quelqu’un entre ou sort de quelque part, une grande valeur est donnée aux portes et fenêtres fermées. La prisonnière s’échappe avec la complicité du gardien et prend le train. Ici comme la plupart du temps, le montage n’est pas purement descriptif, chacun des éléments de l’action proprement dite est inséré dans un ensemble. La femme essaye de travailler et la monotonie du travail, la machine à coudre, les ciseaux, tout nous indique cela ne peut pas être, et de nouveau elle part et prend le train. À ce moment, prédomine le rythme de la fuite puisque c’est la dernière tentative, celle qui aboutit au naufrage. Du point de vue visuel, nousl’avons que le rythme de fuite du train. Nous voilà de retour dans la barque. On donne de l’eau à la femme brune qui se revient à elle. La femme blonde a un moment d’énergie désespérée, elle essaye de ramer avec ses mains, mais voit que c’est inutile. Elle se rend compte que tout est inutile. Elle est énervée de voir que l’homme cherche encore à aider l’autre femme. Rien ne vaut plus la peine. Puis la femme brune raconte son histoire.
gardien entre. Remarquons que dans le film, chaque fois que quelqu’un entre ou sort de quelque part, une grande valeur est donnée aux portes et fenêtres fermées. La prisonnière s’échappe avec la complicité du gardien et prend le train. Ici comme la plupart du temps, le montage n’est pas purement descriptif, chacun des éléments de l’action proprement dite est inséré dans un ensemble. La femme essaye de travailler et la monotonie du travail, la machine à coudre, les ciseaux, tout nous indique cela ne peut pas être, et de nouveau elle part et prend le train. À ce moment, prédomine le rythme de la fuite puisque c’est la dernière tentative, celle qui aboutit au naufrage. Du point de vue visuel, nousl’avons que le rythme de fuite du train. Nous voilà de retour dans la barque. On donne de l’eau à la femme brune qui se revient à elle. La femme blonde a un moment d’énergie désespérée, elle essaye de ramer avec ses mains, mais voit que c’est inutile. Elle se rend compte que tout est inutile. Elle est énervée de voir que l’homme cherche encore à aider l’autre femme. Rien ne vaut plus la peine. Puis la femme brune raconte son histoire.
On voit des éléments de plage : un petit navire échoué, des planches, etc., une colonie de
pêcheurs. Une barque arrive et la femme achète des poissons ; elle commence à marcher longuementpar tout le village et il y a des moments d’une grande beauté plastique. La caméra suit avec attention le balancement de son panier et de sa main. Naît une sensation de fatigue qui ne cesse d’augmenter, mais tout est prétexte, pour la femme, à ajourner le plus possible le moment de l’arrivée à la maison : une petite fleur, la rencontre d’un homme. La femme s’arrête et ils restent à un demi-mètre l’un de l’autre, mais la contre-plongée de la caméra exprime une séparation à l’infini. Le rythme change et elle arrive à la maison. Avec ses portes et ses fenêtres fermées, avec ses murs nus, elle semble une forteresse. La caméra n’a jamais cessé d’accompagner la femme et ne s’arrêtera, brusquement, que quand elle entre.En haut de l’escalier, on voit assis par terre, le mari, un pauvre hère. Elle regarde son alliance, on voit sa main à lui, et il a un dialogue de mains. Elle pose le panier et rebrousse chemin. Le mouvement de sa sortie se croise avec l’histoire du mari. On voit le début de Charlot s’évade, quand Charlot s’échappant, de la prison par un trou qu’il avait creusé, débouche précisément aux pieds d’un gardien. L’éclat de rire du public exprime la vulgarité. La femme s’éloigne jusqu’au point le plus haut de la région. Elle veut s’évader mais regarde, effrayée par la limite de l’horizon. Ici Peixoto n’a pas trouvé une solution heureuse ; il se cantonne dans des mouvements circulaires de l’appareil. En tout cas, le rythme du montage de ces mouvements circulaires et des close-up de plus en plus rapprochés de la figure de la femme, est le même que celui de la séquence du train, et nous savons donc que l’histoire s’achève et qu’après, la femme brune, elle aussi, est allée prendre le bateau qui a fait naufrage.
L’homme qui joue avec un morceau de bois, va raconter son histoire. La promenade des jambes commence. Ce sont les jambes de l’homme et celles le la femme dont, àtraversl’histoire, on ne verra jamais la figure. Nous sommes sur une plage, mais c’est une plage qui a uneautre signification que celle de la seconde histoire, elle est immense et belle. L’homme et la femme se baignent. Le rythme est gai. À ce moment même, les frontières ont un aspect apparemment favorableles grilles des terrains sont gaies, la ligne de démarcation des parterres defleurs est charmante, et toutcela est traité dans un mouvement d’allegro. L’homme accompagne la femme jusque chez elle, elle a une alliance au doigt, et s’en va. Ilcontinue sa promenade et va aucimetière où un homme l’attend. La séquence par laquelle l’homme lui apprend que la femme est lépreuse, est sans intérêt. C’est d’ailleurs, le seul moment où il y a dessous-titres dans « Limite».
L’homme va continuer à raconter son histoire, il a toujours en main le petit morceau de bois, avec lequel il joue, l’image est apparemment la même qu’au moment où il avait commencé à parler, et pourtant tout est différent, il ya un certain flottement produit par un vent léger, et le thème de la limitation est en ce moment indiqué sur un ton mineur. L’homme du cimetière s’éloigne et il l’accompagne. Commence le thème du désespoir. Il marche beaucoup, pose des questions à tout le monde, la nature participe à son tourmentet nous avons, largement développée dans un rythme de fuite et notamment par les arbres tordus et parl’emploi du négatif, une séquence qui aboutit au vertige de l’homme. Ces derniers moments ont lemême défaut te la séquence de la femme, en haut de la colline. L’homme tombe évanoui.
Paulo Emílio Salles GOMES, Fondateur et
conservateur de la Cinémathèque brésilienne de São Paulo et vice-président de la Fédération
internationale des archives du film
DIMANCHE de parques 27/03/16
OTOSHIANA/THE PITFALL Teshigahara
Japonais/1962/92'
Moise et Aaron/Huillet et Straub/Schoenberg/1975/95 min
Mon texte de trois pages s'est effacé aprés un bug de cette merde de ubuntu, alors si vous voulez des infos essayés de fouiner sur le dark web pour voir si il n'ya pas une trace spectrale de ma merveilleuse explication qui réconcilie Moise et Aaron de leur conflit génital. Et ne croyez pas que je vais réecrire un truc aussi dense et passionnant pour vos beaux yeux, j'ai d'autres chats persans à molestés...
un texte moins bien et moins éclairant.
Schoenberg Moise et Aaron.
De Schoenberg à S et H
Straub et Huillet encore
Straub s'endort et Huillet saute à l'eau. Le film décide de jouer, le troisième acte écrit mais non mis en musique. Dans cette troisième partie, celui de la guerre, Moïse reprend le pouvoir sur Aaron. La condamnation de ce dernier scelle aussi celle de Moïse, comme le dit Straub "Ca se termine avec la condamnation d'Aaron et donc par la disparition de Moïse car ce dernier n'a plus de bouche. Si on tire un peu les choses c'est le signal pour le peuple qu'il faut se passer de prophète, voir qu'il n' y en aura plus". "Schoenberg n'aurait pas étè d'accord et c'est passionnant".
OTOSHIANA/THE PITFALL Teshigahara
Japonais/1962/92'
Deux hommes ont déserté, ils ont avec eux un enfant. Ils travaillent pour un peu de riz dans une vieille mine. Un mystérieux homme au complet blanc les photographie. L'un des hommes qui se dit le père de l'enfant quitte la mine avec son petit. Poursuivit par l'homme blanc il est violemment tué sous le regard du petit. La police arrive, elle constate que l'homme tué était l'employé d'une grande exploitation minière qui jouxte la vieille mine. Cet employé est toujours vivant, il dirige la branche la plus revendicative de son syndicat.
Véritable système des sixties japonais, période riche des nouvelles techniques de production dédiées au cinéma, Teshigahara, le diplômé d'Art, Kobo Abe, le dramaturge célèbre, Takemitsu, le musicien prodige, vont suivre en trois films des sentiers preque inédit dans l'histoire du cinéma. La dramaturgie kafkaïenne de Abe se pare de multiples réflexions à peine esquissées, encrées dans une vision phénoménologique des éléments. Les objets et les choses vivent et se débrarassent du contenu de leur évidence, il y a comme une transfusion de sens. Les personnages ne percoivent le monde que dans un fragment très restreint de réel, leur raison est mis en déroute par une réalité proprement fantastique.
Les perceptions fausses et les raisonnement étroits tissent un récit parrallèle, le fantastique émouvant qui imprégne chaque segment du film d'une façon plus souterraine que dans son suivant (La Femme des Sables), raconte encore autre chose. Chaque personnage revient sous d'autres traits, est en soi comme dans Tchekov, pourrait découper le film en segment, portrait singulier. Jamais Abe ou Teshigahara n'illustrent de propos, ils échaffaudent une intrigue policière pervertie mais précisemment cohérente. Très adroitement Teshigahara tisse une représentation fine et souple du drame. Les personnages sont sans psychologies, les liens qui les unissent sont peu éclairants, ils finissent par être des représentants, des doubles parfaits de l'intrigue qui les font se rencontrés (à peine). L'intrigue avance à grand pas, elle ne s'alourdit pas de spéculations. Ainsi Teshigahara peut laisser des scènes de rencontres ne pas s'achever, sans se soucier de leur donner un objectif. Dérrière une montagne peut surgir un homme et la scène d'aprés une marchande de bonbons terrorisée dans son village fantôme.
Les personnages sont alors comme des motifs trés distraits, et ils donnent à l'ensemble des intentions du cinéastes une légéreté, un mouvement souple, le cinéaste n'est plus piègé par leur lourdeur dramatique. Comme dans les films de Andrzej Munk, les mouvements de Teshigahara sont des observations de la réalité rêvé du cinéaste. Comme dans la Chasse de Erich Lochen, les personnages sont des motifs détachés de la rigueure dramatique habituelle. Si ils ont soucis à donner de leur intrigue une cohérence propre, cohérence attaché aux genres, elle devient l'objet d'un jeu entre les possibilités du cinéma (les références aux Gens du Pau ou aux Los Olivados) comme Genre en lui même, représentation d'une représentation possible, illustration d'un temps lové sur lui même (celui du film correspond-il bien au temps vécus par les personnages ?). Concentré de cinéma, Otoshiana est un film énergétique.
Moise et Aaron/Huillet et Straub/Schoenberg/1975/95 min
DIMANCHE 28/02/16
à 18h00 pétantes ...
Mon texte de trois pages s'est effacé aprés un bug de cette merde de ubuntu, alors si vous voulez des infos essayés de fouiner sur le dark web pour voir si il n'ya pas une trace spectrale de ma merveilleuse explication qui réconcilie Moise et Aaron de leur conflit génital. Et ne croyez pas que je vais réecrire un truc aussi dense et passionnant pour vos beaux yeux, j'ai d'autres chats persans à molestés...
un texte moins bien et moins éclairant.
Schoenberg Moise et Aaron.
En
1928 deux ans après qu'il ait abandonné l'écriture finale de l'Echelle
de Jacob, Schoenberg s’intéresse à Moïse et Aaron. Ce retour de ce
convertit au protestantisme à ses origines juives les plus radicales
n'est pas le fruit du hasard. Schoenberg passionné par la synthèse de ce
passage de l'Exode qui place l'Alliance du Peuple Elu et de son
Protecteur au chœur d'un conflit théologique et familiale, y voit la
continuité manifeste de son propre questionnement sur les problèmes
insolubles qui traversent le judaïsme. Schoenberg s'interroge sur
l'utilité et les restes des institutions juives face à l'antisémitisme
qui pourrit l'Europe. Schoenberg, Berg et Eisler voient leurs œuvres
encensées par une critique raciste qui les flatte de détacher leur génie
propres de leur judéité. Dans le même temps tout une partie de
l'intelligentsia d’origine juive semble se désintéresser du sort des
minorités en Union Soviétique, en Silésie, en Hongrie et ne s'inquiète
que tardivement de l'Allemagne et de l'Autriche. Pour Schoenberg
l'Histoire de Moïse et Aaron doit réveiller les consciences bourgeoises
endormies en réactivant les velléités du droit théologique et de la
dialectique qui sous tend l'Alliance. Deux personnages au sein de la
même Alliance portent deux messages en apparence radicalement distinct.
Moïse le penseur, celui qui a accès directement à la Justice de Dieu par
la Révèlation. Aaron son frère, désigné par Dieu pour être l'Orateur,
le premier prêtre d’Israël (le Kohen Gadol), l'être aimé de tous,
l'homme parmi les hommes, celui par qui Dieu veut réaliser l'Alliance.
Mais quelle est la nature de cette Alliance ? Dieu ne la livre ni à
Moïse ni à Aaron. Et c'est de leur déchirement que parviendra la
synthèse et l'Union. A l'inhumanité de Moïse répondent les velléités
aaronniennes. Schoenberg doute, tergiverse dans la dramaturgie même de
l'Opéra en refusant de pencher pour l'Institution et son maintien
(Aaron) ou pour l'idéalisme radicale hors du compromis social de Moïse.
Il approfondit le schisme sémantique qui sépare les deux hommes, seul le
peuple peut donc faire le choix, seul lui incombe la réalité de
l'Alliance sa transcription et sa codification, car Dieu est silence sur
sa Nature véritable. Cette institutionnalisation du droit divin, qui
est l'enjeu de la discorde, est de toute façon l’œuvre de Dieu. Il y a
donc une fatalité heureuse, puisque dans l'alliance Dieu offre sa
confiance et sa Grâce mais dans la limite que le Peuple fixera à son
propre Droit celui par lequel il se jugera, lui même et ses ennemis, et
qui sera issu invariablement de la volonté de Dieu. Le combat du peuple
est-il perdu d'avance, inclu dans les Institutions de Dieu ? Pour
Schoenberg non il a même tout intérêt à se réaliser. Si l'homme est
déchu pour l’Éternité et si l'Alliance est son seul salut, l’apparition
d'un prophète capable de casser les traditions et les codes par nature
de plus en plus éloignés de l'Alliance originelle, est nécessaire afin
d'empêcher la chute de l'homme dans le désespoir et dans l'arbitraire
sa propre justice. Cette question fondamentale taraude Schoenberg, a
t'elle point qu'elle paralysera sa création, l'Opéra achevé (avec la
victoire de Moïse sur Aaron et le choix du peuple de se tenir au plus
près de la Révèlation) ne verra jamais le jour. Et il se termine sur
l'effondrement de Moïse, terrifié par la vision de son peuple détaché de
leur Protecteur.
De Schoenberg à S et H
Straub
est surtout convaincu par le caractère révolutionnaire de l’œuvre
profonde et juste de Schoenberg. A travers le dodécaphonisme du
compositeur (ici puissamment relevé) et le livret signé par le
compositeur lui même, il entrevoit la question fondamentale du rôle
laissé au Peuple d’Israël dans la conception de son Droit, principe
directeur de l'Alliance, par la destruction de l'ancien et le refus du
compromis pour renaître dans l'Espèrance. En marxiste convaincu par la
dialectique matérialiste, Straub et Huillet voit dans ce passage de
l'Exode la première démarche dialectique qui vise celons lui à faire
passer les Hébreux du statut de peuple soumis à Pharaon à celui de
Peuple autonome, libre de construire leur Droit, libre de créer leur
propre sécurité, leur propre servitude. Une mise en scène trés simple,
avec de long plans séquences arides, un dépouillement et une austérité
qui vise à matérialiser le temps historique ( ce qui est évidemment d'un
intérêt trés secondaire dans l'Opéra) dans sa linéarité la plus simple
(absence de la simultanéité dramatique de l'Opéra). Ce temps hiératique
n'est jamais réduit à une recherche mystique, mais bien à un regard
politique, croisés dans le temps, entre la recherche d'un Peuple à
trouver un sens à son existence, celui d'un compositeur à interroger ses
fondations et celui de deux cinéastes à réinterpréter l’œuvre
schoennbergienne à travers leur conviction. pouet pouet (Non rigolez pas
c'est des questions importantes !!)
Straub et Huillet encore
Straub s'endort et Huillet saute à l'eau. Le film décide de jouer, le troisième acte écrit mais non mis en musique. Dans cette troisième partie, celui de la guerre, Moïse reprend le pouvoir sur Aaron. La condamnation de ce dernier scelle aussi celle de Moïse, comme le dit Straub "Ca se termine avec la condamnation d'Aaron et donc par la disparition de Moïse car ce dernier n'a plus de bouche. Si on tire un peu les choses c'est le signal pour le peuple qu'il faut se passer de prophète, voir qu'il n' y en aura plus". "Schoenberg n'aurait pas étè d'accord et c'est passionnant".
DImanche 31/01/16 à 18h00,
dans le squat le moins loin de chez toi !
LE CHALLAT DE TUNIS 1h25 2014
réalisé par Kaouther Ben Hania
https://www.youtube.com/watch?v=m9UzrFoS_XQ
Le cinéma tunisien semble se retrouver dans une génération de cinéaste libéré(e) des contraintes du pouvoir de Ben Ali et de celui de Ennahdha. Surprises des surprises les meilleurs nouvelles ne se trouvent pas dans les cinéastes de la dictature (Kawthar Ben Hnia, Abdallah Yahya, Raja Amari, Nejib Belkadhi ou Jilani Saadi), mais peut être bien avec Moufida Fedhila et son Super-Tunisian
https://www.youtube.com/watch?v=wN4vVtJxNaI
Leyla Bouzid et son reconnu A Peine j'ouvre les yeux (sorti en ce moment en salle), Mokhtar Laadjimi qui affronte frontalement les tortures des geoles de ben ali dans Dicat Shot, ou encore "Images saccadées " de Habib Mestin, qui raconte sur trente ans l'aventure de la Fédéation Tunicienne des Cinéastes Amateurs dont est issue Kaouter Ben Hania.
Le challat est un personnage mystérieux, héro d'une génération qui fait de la technologie une arme pour maintenir des traditions conservatrices. Kaouther Ben Hania se filme filmer et reconstitue un mythe populaire dans toute une complexité où réelle et supposée se superpose pour former une légende. Mais la légende n'a plus de grâce ou de poésie, et la cinéaste va très loin dans la mise en abîme. Sans être aussi réflexif et vertigineux que C'est eux les chiens, le Challat met les pieds dans le plat et fait le procés du virilisme arabe et de son ridicule. Le film, toujours privé d'une sortie en Tunisie, trouvera t'il son public au maghreb ? Il faut l'espèrer.
Le film le plus attendu sur la révolution tunisienne reste pourtant Parfum de Printemps de l'indétronable Ferid Boughedir, réalisateur ultra reconnu de Halfaouine l'enfant des Terrasses et de Un été à la goulette. | ||||||||
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HARD DAY 2014

Kim Sung-Hoon
Corée
Jo Jin-Woong, Lee Sun-Gyun, Shin Jung-Geun, Jung Man-Sik, Lee Ji-Hoon
L'inspecteur Gun Su manque de chance. Le jour de l'enterrement de sa mére il écrase un homme. Il pleut c'est la nuit. Il parvient à cacher le corps, mais c'est sans compter son collégue de travail qui bosse brillemment sur la disparition du même homme. Enfin un curieux personnage fait chanter Gun Su, et semble tout savoir sur l'homme écrasé. Pour Gun Su il faut cacher le plus de preuves possibles et démasquer le mystérieux témoin le plus vite possible, mais c'est sans compter une femme qui dit avoir géolocalisé le portable de son mari mystérieusement disparu le même soir. Pour Gun Su, c'est Alamo.
Mettre en un minimum de temps, un maximum d'emmerde sur un même personnage est l'art du thriller et du film burlesque, indissociablement reliée par cette aspect d'accumulation épique, qui fait de l'un et de l'autre les grands gagnants du contentement efficace de nos pires névroses. Le Thriller est en français le film de suspens. C'est le plaisir masochiste de voir l'autre échapper de peu à une trés grande souffrance, ou de le voir rattrapper par la menace en cours d'une torture supplémentaire à laquelle le spectateur attend qu'il échappe, une mécanique bien huilée si vous ne le saviez pas. Celle du silence des agneaux, de Rebecca, des Espions de Clouzot, de Dhalapathi, un moyen assez efficace de vivre une pulsion de mort à bonne distance. Dans Hard Day, il y a l'influence des Frères Cohen, les champs de la poisse en angle mort. Mais il n'y a pas de soucis formel trop voyant chez ce cinéaste quasi débutant, on pourrait être à l'école norvégienne, chez Tyldum Morten, en Corée, Hard Day on le rapporcherait des travaux de Hae-sung Song (Failan, a better tomorrow.) et moins de Confession of a murder de Byeong-gil Jeong
Un petit thriller bravement courageux. C'est rare
La Vocation Suspendue (1977)
Un film de Raoul Ruiz
Dimanche 25 octobre à 18:00
Entre
les partisans de la vierge, eux même déchirés par les querelles autour
de la révélation de Notre Dame de Salette, et les jésuites, menacés de
l'intérieur par un sombre complot progressiste, ça chauffe dure

D'après quoi établissez-vous qu'une vocation est authentique, puisqu'il
n'y a pas, selon vous, si j'ai bien saisi votre pensée, il n'y a pas de
voix qui, de là-haut, appelle celui qui croit entendre cette voix assez
fortement pour lui obéir ' et comment l’Église qui, tout entière, s'est
levée à l'appel de cette voix, et qui reçoit ceux qui obéissent à cet
appel, peut-elle songer venir consulter un esprit qui estime que cet
appel est illusoire, parce que cette voix jamais n'aurait appelé ' Je ne
discute pas la réalité du phénomène.
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DIMANCHE 26 AVRIL 18h00
paf: libre
Fleur Albert:
Un porte-voix sans visage articule des slogans en silence.Un journaliste et son équipe sondent la voix du peuple qui manque.
Un fantôme aux traits émaciés, à la silhouette de João Cesar Monteiro, ressuscité des morts des geôles d’Hassan II, reste muet, hébété au milieu des manifestations.
la critique de KArl O sur allociné:
Un film nerveux et lumineux qui nous renvoie dans un va-et-vient
virtuose, de la rage éclatante de nos printemps au silence torpide des
hivers enfouis, et nous laisse trouver dans les yeux encore scintillants
d'un homme brisé, le réconfort d'une éternelle promesse.
Un immense acteur, et un très grand cinéaste.
oh le monsieur !
Dimanche 29Mars, 18h
Toutes les nuits,
durée: pas longue Genre: Hétéro
acteurs: L.M, U.S, GK, HJ,
CinéSanNom c'est mieux que les Oscars, ça dure moins longtemps, il n'y a pas de robe de soirée à mettre, tu peux venir sans ton attaché de presse et personne ne va prélever ton urine au toilettes, la bouffe fait grossir, et les spectateurs paient leur place en fonction du nombres de leurs organes qu'ils ont pu vendre sur le dark web. Par contre comme dans toutes geekeries qui se respectent tout le monde est moche, se qui ne gêne en rien mon comportement de garçon facile.
Le film qui est tant attendu s'appelle Toutes les nuits, c'est de Eugène Green, ça c'est bien défendu à sa sortie puisque on a tout de suite pensé à un Héléne et les Garçons à L'ENM. C'est tout mignon tout plein puisque c'est l'adaptation de la Première Education Sentimentale de Flaubert (le mec à Madame Bovary) mais sans les phrases chiantes entre les dialogues, Green adepte d'une diction baroque intense, à cause d'une enfance difficile, et d'un jeu tout calqué sur Catherine Deneuve (période Répulsion), décide de diriger ses acteurs (sic).
http://www.dailymotion.com/video/x43y5x_toutes-les-nuits_shortfilms?from_related=related.page.int.gravity-only.7db9412642adfc3ba21191616a63701f142585430
L'histoire, 100 % Vegan
Ils ont jeunes, amis, deux, garçons, trés (hétéro)sexués, inséparables, ils veulent le faire avant le bac, mais l'amour frappe l'un et laisse l'autre dériver dans Stendhal. L'un part à New York, l'autre glande pour que 68 puisse éclater, ils se retrouvent comme de rien, et malgré le rien, ils vont rester de plus en plus seul, comme si le temps leur prenait tout.
Une photo... belle et austère,

les Commentaires à l'époque:
"C'est sympa eugène et raoul de faire des films pour CinésaNom, mais je crains que celà ne vous épuise inutilement, notre public est plutôt chiche" Blog de l'hotel des vil-e-s
"Inclassable, superbe, mais pourquoi les fringues sont-elles aussi déprimantes?" les Inrocks.
"On s'est fait chié" Time Hungary
"Un trés beau film sur le complot judéo-alquaydien post Yémennite" Poutine Blog
"J'ai dit que j'ai aimé pour faire plaisir à Rohmer, mais c'était pas son film..." Godard
"des scènes de tendresses, succédent à des orages de désirs, dans des éclaires de lucidité lascives" Le Monde
"Ce film m'a empêché de rejoindre Daech" Moktar Ben Moktar
"Le Cinéma est mort" Sophie Marceau
Dimanche 22 février, 18h
Dimanche 22 février, 18h
La coquille et le clergyman (1928)
Réalisé par Germaine Dulac d’après un scénario de Germaine Dulac et Antonin Artaud.
«Ce film est si obscur qu'il semble dénué de tout sens. Et si sens il y a, il est sans aucun doute inacceptable.» (British Board of Film Censors, 1928).

expérience esthétique. Collages, techniques de surimpression, discontinuité narrative, la cinéaste féministe voulait conquérir l'univers du cinéma, l'enrichir de formes et de contenus différents par rapport aux conventions d'un cinéma dominé par les hommes.
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Dimanche 25/01, 18h00
三峡好人
STILL LIFE.
108 min
Jia Zhang Ke
2006
Han Sanming, Wang Hong Wei
Ville de Fenjge, vallée des trois Gorges, en amont du plus grand barrage du monde. Sam Ming fait le voyage dans la région pour retrouver son ex femme et sa fille qu'il n'a pas vu depuis plus de seize Ans. Aujourd'hui l'immeuble, la rue lequartier o^elles ont vécu ne sont plus qu'une tache verte engloutie par les eaux du barrage. Dans la même ville; Shen Houng cherche son mari disparu depuis deux ans...

Depuis l'aigre doux et amputé Un jour le Nil de YOussef Chahine, film de chassés croisés autour de la construction du barrage d'Assouan, de 1968, aucun projet cinématographique d'envergure n'avait vu le jour, à l'exception du superbe Retour à Matiora de Elim Klimov, pour parer au désarroi des exils forcés, expropriations massives et muettes qui sont le lot des barrages (dans La Forêt d'Emeraude de John Boorman, le barrage est prétexte à réunir aventure écologique et fable ethnologique, mais n'est pas un sujet). Les affres du déluge pour couronner le développement, affinent cette ironie que Still Life, Matiora et Un Jour le Nil partagent. Le monumental de l'ouvrage interroge la misère relative de ceux qui veulent vivre, de ceux qui veulent exister à côté ou en retour de ce cœur de béton. Jia zhang ke, cinéaste surdoué, des campagnes chinoises de Xiao Wu et de Plattform, à celles, trafiquées, de The World, revient avec une majesté aveugle, sur un décor qui n'existe plus et que les personnages ont connu. Dans leurs regards, on imagine le choc, d'abord l'écho de Yu LikWai, cinéaste ingénieux et chef opérateur génial, qui refonde tout le cinéma passé de Jia Zhang Ke dans un numérique dorée et humide. Ensuite le récit, formellement rigoureux, qui enchâsse deux destins, tout en les maintenant en vase clos, prend un mouvement mélodramatique, qui participe d'une empathie étonnemment vivante. La forme épouse l'indisible, équilibre sur lequel le cinéaste va glisser d'étranges réminiscences fantastiques En résumé Still Life, c'est avant tout un regard renouvelé sur l'état des choses qui comme chez Ceylan ou Weerasethakul, se refuse à laisser les figures, les formes du passé submerger le présent. Un chef d’œuvre puiskon vous le dit!!
avec (peut être) départ en pré retraite de jeune femme animatrice de talk show régional
DimAnche 21 Décembre à 18h et pAs dimAnche 28
Mind GAme de MAsAAki YuAsA - 2004 - 1h44
CinéSansNom vous gâte et n'attend pas le dernier dimanche sacré du mois (pour cause de jihad) pour vous proposer cette perle transcendante. Cette fois-ci pas besoin de relever les gâteaux à l'extasy pour s'accaparer l'attention du mateur durant tout le film, oui, vos récepteurs mentaux spéciaux japono imus s'activeront au bout de une minute, ou après 150 images subliminales max.
Le point de départ du film étant quand Nishi, l'anti-héros, après avoir commis l'ultime boulette, défie dieu par lâcheté et décide alors de vivre une vie de franchise, d'aventure et de liberté, entrainant dans ses multiples courses deux frangines dont son plantureux amour d'enfance. Se suivent, se précèdent et s'entrecroisent les destins et passés d'autres protagonistes, en utilisant tous les styles de la palette graphique nippone dont certains invus depuis l'oeil du cyclone.
Cette beauté et ce propos sont à l'image de la liberté et du travail que revendique le Studio 4°C, alambic indépendant qui a chauffé pendant trois ans et qui a été alimenté par 42 animateurs d'après le manga de Robin Nishi. Trois gros tomes qui portent le même nom que le film. A ceci on peut ajouter que la production musicale a été confiée à Shin'ichiro Watanabe, également producteur de celle de Cowboy Beebop.
Si Mind Game est un film existentialiste, c'est à chacun d'y trouver le propos tapeur ou autre, mais surtout conspaciautemporain des blockbusters, des Myasaki, et des soupes en séries, il déploie une telle énergie à lutter contre cette facilité des clichés, un humour surprenant d'intimité nue, qu'on se retrouve comme les personnages durant à peu près toute la projection, avec les poils sur les bras.
Bonne séance du Dimanche 21 décembre et pas de dimanche 28
et si t'es pas convaincu ou si tu penses toujours aller voir ta famille, y'aura des orangettes. Bisou
Dimanche 30 novembre à 18h
Les oiseaux, les orphelins et les fous
de Juraj Jakubisko (1969)
Quelque part en Slovaquie, après la guerre, Yorick, Andrej et Marta, trois orphelins, trois fous abandonnés, ne survivent que grâce à leur folie dans un monde insensé, ils vivent, jouent, aiment et haïssent ensemble. 3e film de Jakubisko, mélange de comédie et de tragédie, il est tourné juste après l'invasion soviétique de 1968 et met en scène le sentiment du dérisoire et de l'absurde.
-------------&------------
Dimanche 26 octobre à 18h
Leviathan
de Lucien Castaing-Taylor et Véréna
Paravel (2012)
Salué et sacré dans de nombreux festivals, Leviathan
est un documentaire réalisé par deux ethnologues américains sur un
chalutier au large de New Bedford (Massachussetts), ancienne capitale de
la chasse à la baleine, et point de départ du Moby Dick de Melville. Il
rend compte de manière viscérale de l'expérience de la pêche intensive
au 21e siècle.
Monstre biblique informe, symbole du cataclysme et de la fin du monde, le Leviathan est aussi la métaphore de la modernité politique depuis l'ouvrage éponyme de Thomas Hobbes. Il devient ici le symbole d'un capitalisme industriel qui, bien que sur le déclin, continue d'engloutir les hommes et les bêtes. Expérience cinématographique hors normes, le film est aussi une tentative d' "anthropologie partagée". Grâce aux possibilités offertes par des caméras très légères, il s'agissait de "faire un film non pas sur les pêcheurs mais avec les pêcheurs. Il n'était pas question de leur faire croire qu'ils étaient les réalisateurs mais de faire intervenir leurs corps, leur vécu de manière plus ou moins consciente pour obtenir un film qui nous plonge avec les hommes au cœur des éléments, comme si la mer, les oiseaux, les pêcheurs écrivaient le film avec nous."
Monstre biblique informe, symbole du cataclysme et de la fin du monde, le Leviathan est aussi la métaphore de la modernité politique depuis l'ouvrage éponyme de Thomas Hobbes. Il devient ici le symbole d'un capitalisme industriel qui, bien que sur le déclin, continue d'engloutir les hommes et les bêtes. Expérience cinématographique hors normes, le film est aussi une tentative d' "anthropologie partagée". Grâce aux possibilités offertes par des caméras très légères, il s'agissait de "faire un film non pas sur les pêcheurs mais avec les pêcheurs. Il n'était pas question de leur faire croire qu'ils étaient les réalisateurs mais de faire intervenir leurs corps, leur vécu de manière plus ou moins consciente pour obtenir un film qui nous plonge avec les hommes au cœur des éléments, comme si la mer, les oiseaux, les pêcheurs écrivaient le film avec nous."
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Dimanche 28 septembre à 18h
Le quattro Volte de Michelangelo Frammartino (2010)
En Calabre un vieux et ses chèvres semblent les derniers survivants
d'un monde qui pourtant n'a pas changé en apparence, seuls, les crépis des
bâtiments, la radio, la télévision, dégagent une odeur de présent. Tout autour c'est le travail permanent des gens. Le berger est malade, son quotidien est tout
entier absorbé par le troupeau alors que la Grande Cousine pointe son nez. Le
vieux s'éteint et un chevreau née, il suit sa
maman, mange dans la luzerne et poursuit ses frangins, il vit sa vie de chevreau. L'éleveur qui a repris les chèvres du vieux amène le troupeau dans la montagne, le chevreau se perd...
A partir d'un scénario qui n'en ai pas un, le film se déroule comme un
documentaire sur trois entités, le vieux, le chevreau et
l'arbre, qui vont subir chacun un traitement différent, rien que de très ordinaire, le travail des hommes, le vent et les
bêtes, de quoi bailler d'ennui ou se dire qu'entre la Nature et nous,
l'écran de cinéma est bien mince. Se fait jour un humour, une dérision
que chacun éprouvera à des moments différents du film. Tellurique est
inspiré pour certains, contemplatifs et suspect pour d'autres. Les
Quatre Fois est un film extraterrestre. Le cinéaste a des idées
précises et complexes qu'il se permet de laisser filer comme on joue au
cerf volant. Ce n'est pas lui qui décide, si la ficelle, c'est l'intrigue, jamais un film n'en a eue une plus mince. Ce qui compte comme
souvent à CinéSanNom, c'est l'étonnante trajectoire de l'ensemble . Et le cinéaste,
alors pourtant qu'il tient son film au cordeau laisse le vent, la fumée,
les bêtes, dire l'essentiel, à savoir que quand la Nature parle on n'a
pas à tenter de lui faire dire autre chose que ce qu'elle nous montre. Ca sous-entend une chose, le
monde, la Nature jouent leur propre Histoire, une histoire que nous ne pouvons plus observer, et tristement, il n'y a peut être plus que le cinéma pour pouvoir raconter quelque chose comme ça. En
somme, quelque chose d'inédit et de profondément bouleversant se noue
dans le film, est-ce le seul regard de l'Homme sur les choses qui les
font exister ? Tout l'Art Paradoxe du cinéaste me semble-t-il serait de
nous persuader du contraire....
Dimanche 28 Juin
18h00
HD V 55 av de l'union.
La Parade de Srdjan DRAGOJEVIC.
Histoire: Milo chef mafieux à Belgrade, est régulièrement menacé de mort. C'est son chien qui prend. Il l’emmené chez un vétérinaire, qui se trouve être le compagnon timide d'un des activistes gays les plus virulents de la capitale serbe, décorateur d'intérieur. Le contact passe plutôt bien, et les deux hommes vont passer un marché, la protection de la prochaine gay pride contre l'organisation du mariage de Milo.
Ah voilà un film que personne n'attendait vraiment et pourtant c'était bien mal connaitre le cinéma serbe de ces dernières (aveu de l'équipe de CSN on connait rien du tout) et son enfant chéri, bien aimé par l'intelligentia et par le publique de là bas. Srdjan DRAGOJEVIC qui avec un beau palmarés de films chez lui, un passage éclair à Hollywood, et deux superproduction les plus cher de l'histoire de la SERBIE (pas de la Yougoslavie, hein), revient avec de son propre aveu son film le plus aboutit. Pour mémoire de notre part il y avait de quoi être déçu du traitement de Saint George Shoots the Dragon fresque sous influence d'Andrezj Wajda. Avec La Parade pas de doute le réal revient à son amour de la satyre.comme au bon vieux temps de son très sympathique Nous ne sommes pas des anges. La différence ? La Parade est une comédie foutrement chiadée. Le sujet le plus casse gueule du monde, qui en Serbie, reste encore bien chaud, est sereinement traité, dans une vaine réaliste, à l'italienne. Acerbe et grossier, le film et les personnages se renvoient une image déformée de leur pays, où la guerre ethnique semble attendre un nouveau départ. C'est dans ce champs de bataille politique où vont s'affronter le passé et l'avenir que le film se hisse en métaphore simple et intelligente. A elle seule la bande annonce parle d'une manière hallucinante des contraintes politiques que chacun doit porter dans une construction identitaire et ce que chacune à d'irréconciliable. Sur tous ces aspects, La Parade s'avance comme un grand film sur la démocratie. Comédie maligne grace à une dose de scepticisme senti (l'une des grandes qualités du cinéma de Dragojevic), c'est sans doute l'un des rares films qui fait le procés du passé socialiste de la Serbie, et de sa corolaire totalitaire Ce n'est pas rien. Que la vaine populaire du film fasse grincer les dents des réfugiés et activistes du pays (on comprend), n’entame en rien la qualité du film et de son message.
Dimanche 25 avril, 18h, 55 avenue de l’union soviètique, prix libre distrait
Le propos de L’île nue de Kaneto Shindo tient en peu de mots : une famille survit péniblement, sur une île minuscule de l’archipel de Setonokai au Japon. L’îlot aride est une parenthèse, un enclos insulaire dans lequel le temps est resté suspendu, tandis que le reste du Japon bat au rythme d’une modernité technique et économique. Sur l’île, tout est répétition : reprise inlassable des gestes d’un travail agricole désespéré et désespérant, rituels de la survie quotidienne.
Le film est très loin de ses propres apparences : ni huit-clos, ni mélo, ni film social. Le silence règne entre les protagonistes, ce qui les lie ne se dit pas par des mots : la terre rocailleuse de l’île, la mer, le ciel. L’aspect quasi documentaire des images crée paradoxalement une impression de mystère et d’irréalité. Le montage, l’attention aux lignes du paysage, la chorégraphie des mouvements défait ce qui dans le scénario pourrait relever du huit-clos, du mélo, du pamphlet social.
Kaneto Shindo tourne le film pour sa propre société de production, dédiée au film dit «d’auteurs», la Kyndai Eiga Kyokai, alors au bord de la faillite. Le tournage se fait donc sous la contrainte, tant matérielle que financière, les moyens sont réduits au nécessaire. L’oeuvre est indéniablement aride. Le film sera pourtant primé en 1960 au festival de Moscou et promu en Occident comme le premier acte d’une nouvelle vague japonaise.
Pourtant, le film a plus du hiaku que du drame prolétarien, plus de l’élégie que du tract. Kaneto Shindo est travaillé par sa propre histoire et par son enfance : fils cadet d’une famille de riches paysans, ruinée par la crise des années 20, sur décision des parents, soucieux de leur assurer une éducation, la fratrie fut dispersée.
L’île nue célèbre, d’une manière toute asiatique, en en dessinant les contours extérieurs plutôt qu’en abordant le thème de front, le lien fraternel. Ce faisant il chante aussi la fragilité de ce lien.
Pour qui se laisse toucher par ce chant, comme atteint par l’écho de son enfance, L’île nue est un troublant poème.
L’institut
Benjamenta des frères Quay (1995, sortie française
2000) Dimanche 27 avril 18h
Jakob se présente, armé
d’une humilité imperturbable, à l’Institut Benjamenta, école
de domestiques. Il veut apprendre à servir, inconditionnellement, et
devenir ainsi personne, un zéro, un nul.
Commence alors pour lui
l’inlassable répétition de la même leçon, qui emplit et rythme
les journées à l’institut. Pourtant, et contre toute attente,
Jakob va devenir un curieux objet de désir et passer de l’autre
côté du miroir - ou plutôt du tableau noir.
L’institut Benjamenta est le premier long métrage, en images «vivantes» des frères Quay, il sera suivi d'une autre tentative, L’accordeur de tremblements de terre (2005). L’essentiel de leur filmographie consiste en courts métrages d’animation. Dans les années 60, étudiants en art à Philadelphie, les deux jumeaux découvrent le cinéma d’animation d’Europe de l’est (Jan Lenica, Svankmajer, Jiri Trnka). Ils poursuivent leurs études au Royal College of Art de Londres, où ils s’installent et montent leur propre studio - Koninck studio -, en association avec Keith Griffith.
Quand ce dernier leur lance l’idée de réaliser un long-métrage avec des images «réelles», leur réponse est lapidaire : «no way».
Mais la lecture du roman de Robert Walser, L'institut Benjamenta (Jakob von Gunten, 1909), les persuade qu'il est possible de produire une œuvre onirique à partir d'images "réelles". Ils ont aussi en tête Goto ou l’île d’amour (1968) de Walerian Borowczyk.
Au cours de la dizaine d'années que dure la réalisation, ils apprivoisent l'œuvre de Walser dans trois autres court-métrages : Still Nacht : Dramolet (1988), The comb (1990), Tales from Vienna Woods (1992). Inédite et intempestive, leur adaptation du texte de Walser repose sur la création du compositeur Lech Jankowski. Le roman est passé au filtre de la musique, et de sa spatialisation.
Le résultat de ces années de travail est étrange, envoûtant mais aussi dérangeant. Le film donne au spectateur l’impression de boire le limon de l’existence. Plongé dans un univers hypnotique, il est contraint de se laisser aller à la logique illogique du rêve. Pourtant, il y a bien une histoire, qui flirte avec le conte de fées mais aussi l’expérience métaphysique.
Tout comme dans un rêve,
on perçoit cette histoire à travers de superbes images noir et
blanc en nuances de gris plus qu’on en comprend le sens. Et, tout
comme au réveil d’un rêve, il ne nous reste à l’issu du film
qu’un peu de brume et le sentiment d’avoir vécu quelque chose.
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La Chasse (1959) de Erik Løchen
le dimanche 30 mars à 18h
Grand classique du cinéma norvégien, La Chasse met en scène le triangle amoureux et la violence du désir... surtout masculin.
Bjørn (Rolf Søder) et Knut (Tor Stokke), deux amis
proches, convoitent tous deux la belle Guri (Bente Børsum). Elle épouse
le premier, tandis que le second part à l'étranger pour oublier.
Quelques années plus tard, Knut revient, et un séjour de chasse dans
la toundra norvégienne les réunit à nouveau. Les vieux démons se
réveillent, le passé vient se mêler au présent, et la tension monte…
Audace formelle ; rupture du contrat fictionnel ; narrateur omniscient et distanciation brechtienne ; montage fragmenté ; cette enquête sur l'âme humaine est peut-être avant tout une méditation sur l'art cinématographique.
10 canoés, 150 lances trois épouses
Dimanche, 23 Fev à 18h00
ROLF DE HEER, 2006, Australie/France, 1h30 avec Crusoe Kurddali Jamie Dayindi Gulpilil Dalaithngu Richard Birrinbirrin Peter Minygululu Frances Djulibing :
Australie, les terres, Dayindi jeune homme aborigène est amoureux de l'épouse de son frère Mynigululu, ce qui lui est défendu par la communauté. Alors que la tribu part initier ses jeunes à la chasse, sur les marécages, le vieux Birrinbirrin, bien au fait de l'affaire, prend à parti Dayindi et lui raconte l'histoire de Ridjimiraril et de Yeeralparil, deux frères dans un lointain passé, l'un enviant à l'autre sa position d'aîné et convoitant sa plus jeune épouse.
Les oies sauvages.
Rolf de Heer est un cinéaste australien pur et dur. C'est quoi un cinéaste australien, c'est ce trait assez brutal, ce réalisme bien noir, l'anti glamour et la violence des sentiments, souvent peints aux tons ocres d'une terre cuite. C'est aussi une technique irréprochable, un maintien dans les plans, et un traîtement efficace qui a assuré à Hollwood une arrière garde virile (John Hillcoat, George Miller, Gregor Jordan, Baz Lhurmann, Peter Weir, Philip Noyce...) dans laquelle l'industrie puisait un peu d'originalité. Le cinéma australien est à mi-chemin entre l'exigence d'un cinéma adulte et réfléchi et de l'entertainment pragmatique, une alternative, un cinéma des antipodes, plutôt au milieu des tendances.
Violence et justice.
La carrière de De Heer est propulsée par son Bad Boy Buddy, film d'éléphant, outrancier, nageant dans un réel stylisé à la punk, le film est typique du pays par son aspect d'abord très clos (voire concentrationnaire) tourné en 1.66 puis ouvert sur un monde immense traîté en scope. Le cinéma de De Heer, est donc un peu à l'image de ce galop d'essai, un cinéma qui rétrécit les situations et confine les personnages, dans des huis clos oppressants (Bad Boys Buddy, Alexandra's project, La chambre tranquille, Dance me to my song) ou au contraire laissent les relations de pouvoirs exploser dans des canyons, d'immenses paysages où tous les hommes n'ont pas la même place (The Tracker, L'homme qui lisait des romans d'amour, Dingo).
L'histoire peut souffrir d'un traitement peu enclin, aux subtilités habituelles attendues d'un cinéma d'auteur. Le fil rouge que je trace dans la filmographie du cinéaste concerne la part du romanesque de ses films les plus vus (L'homme qui lisait..., Dingo, The Tracker, Bad Boys Buddy) est atténuée, voire mise entre parenthèses, au profit d'une expérience trash dans ses films antisociaux.
Les souffrances subies - le viol de la femme blanche dans The Tracker, ou le meurtre du chef indien dans l'Homme qui lisait - entraîne un questionnement sur la résolution de la violence, la vengeance et la justice d'une communauté qui cherche à faire respecter ses règles. La femme wasp humiliée dans Alexandra's Project, se fera justice seule, par un procédé visuel qui fait du cinéma une arme pour témoigner de l'ironie de la justice humaine.
Dans La chambre tranquille, la petite fille pour lutter contre son père violent rentre dans un mutisme qui hurle l'indignation. Les victimes qui habitent ses films se retournent contre leur bourreaux, se font justice par des biais divers, pour des résultats plutôt incertains car l'Australien blanc, chez De Heer est rarement autre chose qu'un horrible connard.
Ethnologie vivante ?
10 Canoés et d'abord un film qui nous plonge dans le ventre de l'Australie, comme toujours chez de Heer, de manière frontale. Mais cette fois-ci, pas d'horribles blancs crasseux et violents pour ternir l'horizon, ils n'ont pas encore fait le chemin. Ce sont les aborigènes qui écrivent l'histoire du continent par le biais d'histoires, où le personnel et le mythique se confondent.
On peut critiquer le traitement documentaire de Heer qui met tout à la même hauteur, où aucune histoire ne prend le pas sur l'autre, ne donne forcément plus de sens à l'autre, où le procédé du cinéaste peut paraître illustratif tant il verse dans un naturalisme, biaisé par une voix off qui récite. Ces reproches, De Heer y répond par son goût des visages, des gros plans, par l'ironie des dialogues, par le jeu justement d'un film qui cherche à faire corps avec ses protagonistes, à ne pas tenter d'imposer son point de vue, de faire Art, là où l'Art est déjà présent dans la parole qu'on doit écouter. `
10 canoés est d'abord un grand film sur l'écoute du récit et sa non interruption, moins un film sur le conflit, que sur sa résolution, une justice, à laquelle enfin De Heer parvient à sortir un peu apaisé. Avec 10 canoés, De Heer se déleste d'un poids, il ne cherche pas à signifiéer mais accompagne le récit qui n'a besoin pour s'incarner que d'un peu de patience.
C'est encore à du cinéma oral, à l'image de celui de Membety, de Ghatak, de Vlacil ou de Sophie Letourneur, que CinéSans Nom vous invite, pour le meilleur.
On peut critiquer le traitement documentaire de Heer qui met tout à la même hauteur, où aucune histoire ne prend le pas sur l'autre, ne donne forcément plus de sens à l'autre, où le procédé du cinéaste peut paraître illustratif tant il verse dans un naturalisme, biaisé par une voix off qui récite. Ces reproches, De Heer y répond par son goût des visages, des gros plans, par l'ironie des dialogues, par le jeu justement d'un film qui cherche à faire corps avec ses protagonistes, à ne pas tenter d'imposer son point de vue, de faire Art, là où l'Art est déjà présent dans la parole qu'on doit écouter. `
10 canoés est d'abord un grand film sur l'écoute du récit et sa non interruption, moins un film sur le conflit, que sur sa résolution, une justice, à laquelle enfin De Heer parvient à sortir un peu apaisé. Avec 10 canoés, De Heer se déleste d'un poids, il ne cherche pas à signifiéer mais accompagne le récit qui n'a besoin pour s'incarner que d'un peu de patience.
C'est encore à du cinéma oral, à l'image de celui de Membety, de Ghatak, de Vlacil ou de Sophie Letourneur, que CinéSans Nom vous invite, pour le meilleur.
Toto qui vécut deux fois
de Daniele Cipri et Franco Maresco, Dimanche 26 janvier à 18H
http://www.youtube.com/watch?v=S_uVbp014BQ
" Toto est un héro du cinéma populaire italien, c'est aussi un couillon et un Messie. Du coup, Toto a autant de visage que la Madone, et contrairement à elle personne n'a eu envie de lui prendre sa virginité. Toto est un destin italien, un destin masculin, c'est l'incarnation de l'Amour, celui qui donne des escarres au cul et des morpions aux roustons"
Dimanche 24 novembre
18h
Marketa Lazarova (1967) de František Vláčil
Marketa, « le plus beaux
films tchèque de tous les temps » est un film d'action expérimental.
Adapté du roman éponyme de Vladislav Vančura (1931), l'histoire
légendaire se déroule au 13ème siècle en Bohême. Au terme d'une
réalisation qui lui aura pris quatre années, le film nous plonge dans un
univers moyen-ageux et shakespearien. Fait de sauvagerie et de passion,
le christianisme s'y confronte au paganisme, les hommes à la nature et
l'amour à la violence.
À une splendeur
plastique évidente - merveille des contrastes entre la neige et les
cieux noircis - s'ajoute une obsession pour la reconstitution de la vie
de l'époque aussi bien matérielle (les outils, les costumes, les armes,
l'architecture) que sensible. « Ce qui m'intéresse c'est les personnages
historiques qui ont vécu, agi, eu des sentiments à une certaine époque
».
Le film retrace la vie de Marketa, fille d'un gentil homme voleur et braconnier, qui est enlevée et violée par Mikolas, fils d'un autre gentil homme tout aussi voleur, et qui tombe amoureuse de lui. Une série d'épisodes aux intitulés cryptiques figurent le conte tragique d'une femme « qui, pour son grand amour d'un homme, a renoncé à l'amour de dieu ».
Dimanche 27 Octobre 2013 ~ 18 h
Goto l'île d'amour de Walerian Borowczyk - France 1968
Depuis
la mémorable catastrophe de la nuit du 12 janvier 1887, Goto, Goto II
puis Goto III se sont succédés à la régence d'un petit territoire
résultat du mémorable seïsme. Son altesse Goto III, despote sympa
intèrprété par Pierre Brasseur le majestueux dans l'un de ses derniers
rôles, gracie le comdamné Grozo (played by Guy Saint-Jean) et sur l'avis d'un de ses chiens
lui offre du boulot. C'est comme ça que le film commence, et vu que
c'est un film et qu'il commence, il va bien falloir qu'il se passe des
choses jusqu'à la fin si bien que dès ce moment on sent en Grozo naître
une ambition pas très claire.
Utilisant de somptueux tableaux tout en noir et blanc et sous le concerto n°11 pour orgue de Haendel, Walerian
Borowczyk qui réalise là son premier long métrage en prise de vue
réelle, non sans moultes rappels à l'animation, et bien avant de se
mettre plus à l'érotisme, aime ici comme dans d'autres de ses films (La
Bête, Blanche) à mettre en scène le lent, infâme et innéluctable déclin
d'un mini-empire où la concupiscence d'un créera le ruine de tous. Bon
film
Dimanche 29 septembre
18h
Austeria (traduisez Auberge) de Jerzy Kawalerowicz
film polonais de 1983
Premier jour de la
première guerre mondiale, en Galicie (actuelle Ukraine). Toute la
société juive fuit, dans la confusion, les bombardements et
l’arrivée des cosaques. Tous sont vite contraints de rebrousser
chemin et de trouver refuge dans l’auberge du vieux Tag, qui une
nuit durant fera cohabiter cette communauté bigarrée et
inconciliable. Cette nuit annonce, avec ses rêves, ses délires, ses
absurdités et ses cauchemars, les atrocités à venir.
Kawalerowicz est une
figure singulière. Il ne semble pas habité par les mêmes
obsessions que les réalisateurs polonais de sa génération :
celle de la nation sans nation et de son histoire (à l’exception
du film de 1977, La mort du président). Avec ses
compatriotes, il partage néanmoins le sentiment de l’importance de
la littérature, fond de culture dans lequel le cinéma vient puiser.
Le scénario d’Austeria est ainsi inspiré de
L’auberge du vieux Tag, roman de Julian Stryjkowski,
qui retrace la vie des juifs installés en Galicie orientale avant la
première guerre mondiale. Ce film est un projet ancien de
Kawalerowicz : dans les années 70 déjà, il sollicita,
l’autorisation, qui lui fut refusé, d’adapter le roman. Pendant
la période très libérale de l’hiver 1980-1981, il l’obtint.
Il nourrit alors son film
d’éléments de culture juive – chansons, musiques et coutumes –
collectés avec l’aide du théâtre yiddish de Varsovie. Il est
particulièrement conscient de ramener à la vie un monde évanoui :
le film se déroule pendant les deux premiers jours – et la nuit
qui les lie - de la première guerre mondiale et évoque le génocide
juif de la seconde guerre mondiale. Ce pari dans le scénario
conduit à une certaine inventivité formelle. Les personnages se
croisent et se heurtent les uns aux autres dans l’auberge du vieux
Tag mais le montage ouvre l’espace clos en juxtaposant
réminiscences, flash back, rêves, réalismes, prophéties.
Cette auberge est un
croisement : les deux puissances armées s’affrontent à ces
portes, toutes les classes sociales et confessions qui composent la
société juive s’y réfugient. Mais au fond, seul le vieux Tag
semble être capable de faire cohabiter ces personnes tout en restant
lucide sur les dangers qui approchent. C’est le vieux Tag qui fait
que tout tient, la communauté, et le film. On aura, à mon sens,
rarement vu personnage aussi original au cinéma : un croyant
libre penseur. Peut-être est-ce parce que ce type de figure a
disparu de notre monde. Nous reste au moins son visage. Ainsi, au
moment des préparatifs d’Austeria, Kawalerowicz
déclarait : « Je suis en train de choisir des
visages car je suis obligé de créer un monde entièrement différent
qui ne peut être créé qu’à partir de visages et rien d’autre. »
Soirée de soutien
Samedi 15 juin
26 mai 18h
Sommeil Amer
premier long métrage de
Mohsen Amiryoussefi
(Iran ; 2005)
comédie dans un cimetière, documentaire
sur les laveurs de morts
et fable métaphysique, ofni ciné sans nom s'il en est.
"Etre ou ne pas être, c'est la
même chose !"
projection de Gagner la vie
de Joao Canijo (Portugal/ France, 1H55)
à 18H, Dimanche 28 avril.
Tout le cinéma de Canijo
est traversé par un projet : défaire l'imaginaire portugais,
l'image que le Portugal se fait de lui-même, au coeur de laquelle
pourri un vieux mythe salazariste, celui d'un pays paisible, à la
vie douce, rythmée par un balancement mélancolique ... Saudade...

Gagner la vie : le
film s'ouvre dans l'affolement. Un adolescent d'une cité de banlieue
parisienne y trouve la mort. L'impitoyable logique des faits, quoique
brouillée par le flou du corps à corps, indique une bavure
policière. La communauté portugaise, à laquelle le jeune homme
appartient, souhaite porter son deuil en silence... Et ensevelir
cette mort dans le silence tant ses membres sont fiers d'être du
nombre de cette "France qui se lève tôt". Mais la plainte
de Cidalia, la mère, enfle, vient percuter de plein fouet les moeurs
discrètes et soumises de la communauté. Commence alors une lutte
pour la vie.
Quatrième
film de Joao Canijo, Gagner la vie, comporte
bien des traits caractéristiques de l'univers du réalisateur.
L'intrigue se déroule certes loin du Portugal, mais le pays y est
omniprésent. La communauté se referme sur elle-même, s'étouffe
dans cette cité de banlieue qui devient ainsi le cadre d'un
huit-clos. Le personnage principal, Cidalia, est incroyablement
incarné par Rita Blanco, actrice majeure d'une troupe fidèle de
comédiens et de techniciens. Personnage ovni dans le cinéma
contemporain, confusion d'antique et de moderne, Cidalia mêle en
effet en une seule figure l'Antigone de la tragédie grecque et une
femme immigrée, mère et épouse, qui enchaîne le ménage, salarié
du petit matin, à celui, domestique, du reste de la journée.

Deux
films encore de Canijo, Nuit noire et
Mal née, vampiriseront
la tragédie antique. Le réalisateur désavoue son deuxième film,
Chaussures noires
-pourtant un réjouissant et violent film noir, satyre crue et
bariolée d'un Portugal rural et machiste- parce que le scénario a
été trop fidèlement décalqué d'un fait divers. Il explique ce
désamour en disant qu'à trop vouloir s'approcher du réel, on s'en
éloigne. L'outil scénaristique sera donc par la suite la tragédie,
mais les emprunts ne tomberont jamais dans le cliché
psychanalytique. Chez Canijo, le délire du monde n'est jamais
redimensionné et confiné dans l'espace étriqué du domicile
familial. Son cinéma donne plutôt l'impression de fendre en deux
cet espace pour faire apparaître la violence noire du Portugal
contemporain, l'héritage inavoué de la période fasciste.
Les
emprunts à la tragédie ne font pourtant pas sombrer ses films dans
une stylisation irréaliste, bien loin de là. Même aussi bariolée
que dans Chaussures noires,
la fable chez Canijo a toujours une chair documentaire. Gagner
la vie a
ainsi été préparé par un patient travail d'enquête et de
repérages au sein de la communauté portugaise immigrée en France.
Pour ce qui est de la réalisation, Canijo est tout à fait prêt à
assumer une part de "saleté figurative". Gagner
la vie
est ainsi bien loin de l'épure, plutôt en mode "réaliste
crade", on l'accorde, avec des plans "çà passe ou çà
casse". Et pourtant, ce film est jubilatoire, une longue traînée
de poudre.. Canijo ne se contente pas de peindre au vitriol une
communauté et sa misère modeste et grotesque. Il pousse un cri,
aigü, féminin, d'émancipation. Même si on est loin du style plus
bavard et fraternel de Alain Tanner, Cidalia pourrait être une
soeur, lointaine, perdue, de Rosemonde. En bref, Ciné sans nom vous
invite ce mois-ci à refaire un tour du côté des salamandres... et
sera heureux si vous relevez l'invitation.
Filmographie de Joao Canijo :
Trois ans sans moi (1988), Mon coeur est à papa (1990), Chaussures
noires (1998), Gagner la vie ( 2000), Nuit noire (2004), Mal née
(2007), Fantaisie lusitanienne ( 2010), Travail d'actrice, travail
d'acteur (2011), Liens de sang (2012)
NB
: La
salamandre
(1971) est un film de Alain Tanner, avec une Bulle Ogier géniale
dans le rôle de Rosemonde, prolétaire indocile et entêtée, qui ne
veut pas livrer le fin mot d'un fait divers dont elle a été la
protagoniste à un journaliste et un écrivain, premiers pigeons du
journalisme réalité, ancêtre de la Tv réalité. Passé par Ciné
sans nom l'an dernier, mais çà se trouve en médiathèque !!!
Goûter libre,
sucré, salé selon l'humeur à l'hôtel des vils, 55 avenue de l'urss, clermont-ferrand
Dimanche 31 Mars à 18h00
BIBLIOTHEQUE PASCAL
szabolcs hajdu 2010
Orsolya Török-Illyés - Mona Andi Vasluianu - Viorel Shamgar Amram - Pascal Razvan Vasilescu - Gigi Paparu |
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Ce blog est de pire en pire, pas possible, de toute façon nous allons maintenant evoquer une sorte de cas d'école absurde d'une des part les plus précieuse du PIB hongrois. Les Films d'auteurs hongrois qui si ils ne rapportent rien à leur distributeur, sont les prochains produits culturels périmés sur lesquels le gouvernement de Viktor Orbal s'essuie les pieds, les films donc, font figures pâles, avec un fond de 20 millions d'euros pour soutenir les réalisateurs. L'Etat ne donnera qu'un peu à qui il veut et depuis que Vajna est aux commandes, rien n'a étè donné, le festival d'URANIA à Budapest est donc annulé, aucun film n'a étè présenté; le cinéma hongrois faute de financement en coproduction est mort ! LEs attermoiments de Belà Tarr qui a invéctivé Vajna, actuel ministre de la culture, producteur estimé de Rambo et de Totall Recall, début 2012, n'ont pas servi à grand chose, dans un pays où la faim et la misère n'ont fait que s'accroitre, le cinéma aura faim et se soumettra. Le gouvernement monte donc ces unités spéciales pour produire quelques infâmes merdes patriotiques, et les jeunes cinéastes en devenir à moins de changer de métier, n'ont qu'à s'aligner. Voici donc presque le champs du cygne (à moins que la commission européene...) d'un des cinémas les plus dynamiques d'Europe de l'Est. Petit rappel, faute de moyen, le dernier Gyorgy Palfi (Taxidermie, Hic, d'impotants succés financiers et d'estimes), est un collage (superbe) d'images d'archive, qui permettra à tous ces cons de cinéphiles (si le film est un jour projeté...), de voir Ava Gardner embrasser Zbigniew Cybulski, dans un film de James Cameron. En attendant que la mort ne nous prenne tous un par un, un film hongrois, comme un pavement vers le bonheur suprême,
Mona raconte sa vie à un officier de la protection et du placement des mineurs, le but ? Convaincre l'homme de lui accorder la garde de son enfant. Mais la vie de Mona est une illusion, un songe sybillin fait d'énigmes et de tortures. Mona survivra t'elle à sa propre histoire? Rien ne permet d'en avoir la certitude.
Les cinéastes hongrois sont agaçants, parcequ'ils sont les premiers de la classe. D'une inspiration, d'une technique, d'une réflexion et d'une générosité formelle, qui surclasse leurs homologues européens, les hongrois stylisent avant de réaliser. Chez le jeune Szabolcs Hajdu la place accorder aux décors, enrichie comme jamais le sous texte des personnages (à la manière du Rebecca de Hitchcock, ou du génial les Sans Espoirs de son compatriotes Jancso) c'est moins un cinéma de personnages, du sujet, que d'objets. Bibliothèque Pascal se concentre sur son décor, c'est l'un des rares films contemporains à filmer ce qui l'entoure, comme objet de cinéma. Le film offre une dynamique de longs plans séquences extrêmements précis et méticuleux, mais qui on le sait, on le sent, ne sont pas là pour impressionner, mais bien pour caractèriser, justifier le parcours de Mona, son cheminement intellectuel complexe. Très vite le ludique devient le grave, et le film glisse subtilement vers une forme où la merde et le froid deviennent une beauté, un état des choses à filmer (à penser) encore avec style.
Dimanche 24 Février à 18h
HAXAN de Benjamin Christensen (1921)
Perle du cinéma muet, à la fois essai documentaire et film d'horreur expressionniste, Haxan décrit les pratiques de sorcellerie et la persécution dont elle ont été l'objet entre le 15e et 16e siècle. La mise en scène d'un imaginaire médiéval hanté par la figure du démon, accompagne une dénonciation de la mécanique obscurantiste qui a conduit l'inquisition à torturer et mettre à mort 8 millions de personnes.
DIMANCHE 27 JANVIER A 18H
OTESANEK de Jan Svankmajer
Synopsis : Jan Svantzmajer, réalisateur suréaliste tchèque, bien connu pour ses parallèles entre animation très élégante D.I.Y. et ses analyses et mises en scène des comportements déviés et déviants, adapte ici comme il sait bien le faire un conte pour enfants en histoire chimèrique angoissante où les désirs naïfs contre-nature d'un couple réveillent le mythe d' OTESANEK .
DIMANCHE 25 NOVEMBRE A 18H00
The Hole de Tsai ming liang, Taïwan, 1998 : depuis "la saveur de la
pastèque", on connait le goût du cinéaste pour les métaphores sexuelles
plus crues que métaphoriques.
Et si dans The Hole, il ne s'agissait
pas de sexe, encore moins de pastèque, mais de virus mortel, d'ambiance
apocalyptique style SF, de comédie musicale et de
romance ? Va savoir... et viens goûter avec nous, projection à 18h.

Touki
Bouki, ou Le voyage de la
hyène (dans la version / ré édition restaurée de
la World Cinema Foundation)
Dimanche
28 octobre, à 18h
...
un road movie halluciné, une ballade de paumés bohèmes, un hommage
pop à la puissance de révolte des marginaux ...
encore
un trip cinématographique très seventies !
Mais
Le voyage de la hyène n'est pas un road-movie, une ballade, un
hommage ..
Seulement
Halluciné
Bohème Pop Révolté
La
déambulation des deux héros, Mory et Fanta, se déroule à
Colobane, quartier populaire de Dakar, où ont échoués les
déracinés du premier exode rural sénégalais. La mer berce les
rêves d'échappée vers l'Europe. Mais elle enserre aussi
l'existence des héros et fait du quartier l'enclos de leurs arnaques
toujours un peu minables, toujours un peu ratées. Dans cet espace
urbain et africain, Mory, pseudo truand, et Fanta, étudiante
buissonnière, hallucinent l'Europe, la voient partout, la
projettent, l'emmêlent à la vie quotidienne, aux rituels. Toute
l'histoire du film tient au dos d'un timbre poste : les protagonistes
multiplient les arnaques pour partir à Paris.
Et
"Paris, paris, ce petit coin de paradis" de Joséphine
Baker ponctue le film comme une complainte lassante, agaçante.
"Il
est question dans ce film des africains malades de l'Europe (...).
Pour beaucoup, la façon d'aller en Europe est le voyage clandestin.
Moi-même, j'ai entrepris un voyage clandestin sur un bateau qui m'a
mené jusqu'à Marseille. Mais j'ai été pris et ramené à Dakar.
Le film, c'est un peu l'histoire de beaucoup de jeunes, le dégoût
que m'inspire cette image qu'on s'acharne à donner de l'Europe aux
Africains. une image donnée par les Africains eux-mêmes, en fait.
Ceux qui, une fois rentrés, vous dépeignent l'Europe avec un tel
sens du merveilleux que vous n'avez plus qu'une envie : y aller, et
que vous commencez à vous sentir étranger dans votre propre pays.
C'est contre cela, dont j'ai été moi-même victime,que je me suis
rebellé dans ce film. En dehors de la recherche artistique, j'ai
vraiment voulu faire oeuvre utile, essayer d'enlever les illusions de
mes compatriotes qui ne sont pas partis et restent malades de
l'Europe. Moi, j'en suis guéri."
Jamais
le film ne quitte Colobane, ne décolle de Dakar : Paris n'est qu'un
rêve étrange dans un film complétement halluciné.
C'est
le montage de Mambéty qui crée cette hallucination visuelle. Plutôt
que de suivre le cours d'une histoire, il procède par association.
Les cornes de zébu montées à l'avant de la moto de Mory en sont le
meilleur exemple : elles seront tout au long du film le signe secret,
presque magique du troupeau sacrifié. Cette manière de monter a un
effet poétique : le film est très sensuel. Il ne cesse d'appeler le
spectateur et lui donne envie de se noyer dans la matière comme dans
la mer, omniprésente.
Le voyage de la hyène est un pamphlet.
Mais un pamphlet qui ne dirait pas ce qu'il a à dire, nous laissant
le soin de comprendre. Dans un contexte marqué par le marxisme et
les indépendances, le cinéma de Mambéty fait figure de dynamite.
Il trouve le cinéma africain encore balbutiant trop lourd de
discours, trop didactique. Si Ousmane Sembéne est le père du cinéma
africain, Mambéty est fils illégitime. Pire ! Fils renégat, il
répudie l'héritage, préfère embrasser la sous-culture pop
sénégalaise : rock, paris de rue, dandysme urbain, combats de laamb
(lutte sénégalaise)... Et la mélanger à la culture traditionnelle
et classique sénégalaise. Il s'inspire de la structure de la
littérature des griots, reprend des rythmiques narratives propres
aux rituels de l'ethnie des pêcheurs et des prières musulmanes,
emprunte au burlesque de la mise en scène de l'école théâtrale
dakaroise... Il veut créer une forme inédite et trouver un
équivalent cinématographique de la tradition orale.
« Touki
Bouki est arrivé à un moment de crise très violente dans ma vie.
J'ai voulu faire exploser beaucoup de choses. Peut-être parce que
j'en voulais à la physionomie du cinéma africain, qui m'exaspérait
parce qu'à mon sens trop facile. Je ne dis pas sur le plan
idéologique mais sur le plan de la forme (...) C'est cette petite
colère qui a donné son visage à Touki Bouki (...) Notre problème
au départ était de tourner beaucoup de films. Maintenant il nous
faut participer à la révolution mondiale du cinéma et c'est en
proposanr des formes nouvelles que nous y arriverons. »
Le
cinéma selon Mambéty ne sera pas le cours du soir des africains. Le
cinéma est déjà là, dans la ville, dans l'imaginaire africain..
Dans les rues de Dakar, on croise, paraît-il, des personnages de
cinéma, des Tarzans, Zorros et autres Lemmy Caution.. Enfant,
Mambéty jouait au cinéma, organisant avec ses copains des séances
d'ombres chinoises, où les ombres étaient des cow-boys ou des
bandits. Plutôt que de faire un cinéma pour le peuple, il voulut
faire un cinéma avec le peuple, immergé dans la ville et dans la
culture réelle : bigarrée et discordante, tissée d'emprunts à la
pop culture occidentale (cinéma, musique) mais possédant des formes
d'expression particulières. Djibril Diop Mambéty a cherché à
tracer ses propres lignes de rupture.
« Mais
pour moi le problème
est : ceux qui veulent réinventer et ceux qui ne veulent pas
réinventer dans tous les domaines de la vie. Je pense que notre
devoir est d'agression. S'il nous faut changer quelque chose, il nous
faut agresser le public : l'agacer, le mettre mal à l'aise, sans
espérer tout de suite des résultats tangibles. »
Mort
en 1998 à 53 ans, Djibril Diop Mambéty est le réalisateur de peu
de films : quatre moyens métrages, Contras' city (1969),
Badou Boy (1970), Le franc (1995) et La petite
marchande de soleil (1998), un making-of Parlons grand-mère
(1989) et deux longs, Touki Bouki - Le voyage de la hyène -
(1973) et Hyènes (1992).
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DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2012, 18h
on vous l'avez dit que c'était la rentrée! Malgré la purge il y a quelques trucs sympas qui restent, comme danser la tarantelle, la tarte au poivre (!) CinéSaNom et Michel Sardou.
CinésaNom ne vous dévoilera pas pourquoi il ne s'appelle pas CinéSS, Ni Cinéné, ni Cinémagasine...
Ce soir c'est un peu comme si on découvrait que faire du cinéma ça pouvait foutre la merde, avec le chef d'oeuvre, d'un malheureux génie RHITIK GATHAK, CSN ouvre le bal.
LA RIVIERE SUBARNAREKHA
1962 2h19 avec Abhi Bhattachara Madhabi Mukherjee Satinbra Batthacharia
RR Chowdurry VOSTF
Après la partition de l'Inde en 1947, Ishwar et sa soeur, Sita, se
réfugient près de la rivière Subarnarekha. Un garçon de basse caste,
Abhiram, se lie à eux et les trois forment une famille heureuse jusqu'au
jour où Abhiram et Sita s'avouent leur amour.
Charles Tesson, peut être le premier français à avoir eu la chance de voir SUBARNAREKHA, affirmait en 84, "Voir Subarnarekha, c'est recevoir une caresse et un giffle", Ghatak maltraîte l'espace, tord en cauchemar le réel. Il n' y a pas comme chez Ray une subjectivité appliquée, Ghatak objecte le réel et le traîte comme il devrait être "tel qu'il est, apparaît et descend". Cauchemar tellurique où ce qui se joue c'est un héritage, celui entre une culture des lettres qui se meurt, et un cinéma qui doit trouver un language pour lui succéder. Ghatak retrouve à la fois Bunuel (celui de NAZARIN) et Ford. En soit c'est déjà un prodige; son invention visuelle et la sensualité de ses images ne trouveront guère d'égal.
"pour souligner le mouvement il faut du non mouvement."rhitik ghatak
Ghatak connait l'épithète de cinéaste maudit, de cinéaste de la désillusion et du reproche, genre en soi, que les cinéastes indiens ont cultivés à merveille, "des enfants terribles" tel Mani Kaul, Guru Dutt ou Mrinal Sen, ont porté jusqu'en occident, l'image de maudits . Ghatak né au Bengale , terre de boue, de fleuves, terre de la partition (le bengale oriental deviendra le Pakistan Oriental puis le Bengladesh) Terre de Tagore, de Saatyajit Ray. Le Bengale c'est cette bande limoneuse où la seule survie est dans l'unité.
Ghatak
Membre du Parti Communiste Indien, investit par le théâtre militant des années 50, Ghatak veut que la révolution socialiste amorcée en Inde après l'indépendance trouve une réalité, sa réalité, au Bengale, mais la culture commune bengali va s'effacer devant les pressions religieuses et les tensions nationalistes. Ghatak veut purger le Bengale de cette"art for commerce's sake", des films bon marchés, américains (et donc des films indiens qui les imitent) comme de la propagande social/nationaliste qui fleurit. Son cinéma comme celui de Rocha, comme celui de Sanjines, est un cinéma pour le peuple, mais contre son goût, son optimisme primesautier; par miracle (mais peut être le regrettera t'il) le cinéma de Ghatak échappera à tout "politisme" facile. La middle class dépolitisée de l'Inde, tournée vers le progrés, et peu encline à refonder ses bases folkloriques, tiendra en échec l'Art du présent du cinéaste, Ghatak passera toujours pour un cinéaste sans mémoire. De son propre aveu, il est un cinéaste sans passé, qui cherche "ses traces dans la mèmoire qu'on lui refuse", à l'inverse de Tagore, il ne voyagera que peu.
"Est-il possible de réaliser quoi que ce soit sans se tenir debout sur son propre sol? Est-il possible sans cela d'accéder à une vraie profondeur?". Recherche d' une " forme absolue, une langue qui dit peu de choses, une langue qui possède en elle un pouvoir d'illumination".
Pour ma part j'aime Ghatak, haletant dans son étroit chemin, chercher à dépasser ses limites et ses souffrances, à offrir de la beauté, et exiger, en échange, un regard neuf.
DIMANCHE 24 JUIN 2012, 18h
Le Chêne, de Lucian Pintilie (1991)
"c'est pas les cadavres qui nous manquent, c'est les réfrigérateurs"
Lucian
Pintilie est né en 1933 en Bessarabie du sud (Ukraine), région
multi-ethnique
où se cotoient bulgares, russes, roumains. La
reconstitution (1970)
met en scène les agissements du pouvoir à travers l'humiliation
publique de deux jeunes gens obligés de rejouer leur bagarre devant
l'oeil torve du juge... encore et encore... répétition tortionnaire
dont l'infernale securitate
avait
le secret.
Le choeur - les roumains -, apparaissent dépossédés de leur
destin. Ils regardent, indifférents. On aimerait bien voir ce film
après Le
chêne,
mais venons y : Pintilie ne revient en Roumanie qu'à la chute du
régime en 1989 ; il le tourne dans la foulée, en 1991, avec des
financements français.
Le
Chêne est un film violemment bigarré, portant les marques de
l'enfance du réalisateur. On est bien loin pourtant d'un
multi-culturalisme fade et politiquement correct. Plutôt que de
représenter à l'écran des minorités clairement identifiables, la
pluralité culturelle imprime un rythme au film : délirant, mêlant
des tempos très rapides et lents.
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Maia Morgenstern |
Ce
montage fou donne l'impression de rentrer par effraction dans le
film. Nela – l'électrique Maïa Morgenstern - perd son père,
ancien colonel de la Securitate
avant
de rencontrer Mitica
– l'acteur alter ego des films de Pintilie, Razvan Vasilescu -.
Insoumis, furieux, drôles - d'un humour noir, tout roumain paraît-il
– ils évoluent dans une réalité surréelle.
Le
film
est tissé d'allégories. On peut tenter de les défaire en en
cherchant le sens. Mais on peut aussi choisir de ne pas dissiper
l'hébétude suscitée par le film. L'essentiel étant sûrement dans
l'atmosphère politique ... ou plutôt dans l'art que met Pintilie à
suggérer que politique et vie ne sont que l'endroit et l'envers
d'une même image."